NOYER, ou Neyer, ou Nayer. verb. act. Inonder, submerger. Le Deluge noya toute la terre. La mer a rompu ses digues, & a noyé au Pays-Bas trois cens villages : c'est ce qu'on appelle la Platte. Quand on lasche ces escluses, ou noye trois lieuës de pays. La riviere qui deborde noye cette Isle tous les ans.

NOYER, signifie aussi, estre suffoqué par le moyen de l'eau. Ce sont les meilleurs nageurs qui se noyent. Au passage de cette riviere on tua bien des gens, & il s'en noya encore d'avantage. Ceux qui se noyent s'attrapent où ils peuvent.

NOYER, signifie aussi, Verser beaucoup de liqueur sur quelque chose. Il faut que ce poisson qui cuit soit noyé dans la sauce ; que ces concombres soient noyez dans le vinaigre, qu'il surnage. On appelle du plastre noyé, celuy qui est destrempé avec beaucoup d'eau, dans lequel on trempe des toiles qui servent aux Sculpteurs à faire des drapperies de fausses statuës qui ne doivent servir qu'à une ceremonie.

On dit aussi en Peinture, que des couleurs sont bien noyées, lorsqu'elles sont bien meslées ; & forment une belle nuance en passant insensiblement de l'une à l'autre.

NOYER, se dit aussi hyperboliquement. On trouva cet homme blessé, noyé dans son sang ; cette veufve noyée dans ses larmes. Les desbauchez noyent tous leurs soucis dans le vin.

NOYER, se dit aussi en joüant à la boule, quand on a passé au delà du but ; jusqu'à un lieu plus bas où la boule s'arreste. Il croyoit debutter cette boule, mais il s'est allé noyer.

NOYER, se dit figurément en Morale, pour dire, Se perdre, s'abysmer. Ce joüeur perd souvent, il se noye, il s'abysme. Cette manufacture qu'il a entreprise l'a abysmé, l'a noyé de dettes. Ne luy prestez pas de l'argent, c'est un homme noyé.

NOYER, se dit proverbialement en ces phrases. Qui veut noyer son chien, l'accuse de la rage, pour dire, ne manque point de pretexte pour perdre les gens. On dit aussi, qu'un homme est malheureux comme un chien qui se noye. On dit encore, qu'il est si malheureux, qu'il se noyeroit dans un crachat. On dit aussi, de cent noyez pas un de sauvé ; de cent pendus, pas un de perdu. On dit aussi d'une meschante personne, qu'elle n'est bonne qu'à noyer.