s. f. La licorne se trouve seulement dans l'Afrique. Son vray pays est dans la Province d'Agoas au Royaume des Damotes en Ethiopie. C'est un animal fort craintif qui se retire dans les bois, & qui pourtant se hasarde quelquefois à venir dans la plaine. Il a une corne blanche au milieu du front de cinq palmes de longueur, telles qu'on les depeint icy. Il est de la grandeur d'un cheval de la mediocre taille, d'un poil brun tirant sur le noir, ayant le crin court & peu fourni & noir, aussi-bien que sa queuë. Le Pere Lobo dans ses Voyages rapporte plusieurs témoignages de gens qui en ont vû, & c'est ainsi que la descrit Vincent le Blanc dans son Voyage d'Afrique : mais cet Auteur est fort suspect, aussi-bien qu'André Thevet, qui escrit que le Roy de Monomotapa le ména à la chasse de la licorne, qui est frequente, dit-il, en son Royaume ; & qu'il luy fit present de deux cornes de licorne, qu'il rapporta en France, dont il en donna une au Roy, qui est celle qu'on voit à present au Tresor de St. Denis : & il croit qu'elle vient des dents d'élephant travaillées par les Ouvriers. Il y en a une fort grosse à Strasbourg de sept à huit pieds, qui est tortillée. Toutes celles du Tresor de Venise sont differentes. Pline dit que le premier qui a escrit de la licorne, est un nommé Ctesias, qu'Aristote dit estre un Auteur fort suspect. Elian n'en parle qu'en doutant. André Marin docte Medecin de Venise, a fait un Traité de la fausse opinion de la licorne. Les autres Auteurs qui en ont escrit sont Philostrate & Solin, Aeneas Sylvius qui est le Pape Pie II., Marc Paul Venitien, Aloesius Cadamustus, Louïs de Berthame en son Voyage d'Ethiopie, Cardan, Gesner, Garcias Abhorto, &c. Les uns disent qu'elle ressemble à un cheval ou poulain, les autres à un asne, les autres à un cerf ou à un bouc par sa barbe, les autres à un élephant, les autres à un rhinoceros, les autres à un levrier. Munster & Thevet disent que c'est un amphibie vivant dans l'eau & sur terre, & que sa corne est mobile selon la volonté de l'animal. D'autres disent que sa force consiste en sa corne ; & que quand elle est poursuivie par les Chasseurs, elle se precipite du haut des rochers, & tombe sur sa corne, qui soutient tout l'effort de sa chûte, en sorte qu'elle ne se fait point de mal. Enfin tous les Auteurs rapportent differemment la figure & la couleur tant de l'animal que de sa corne & de toutes ses parties. C'est pourquoy les plus sensez tiennent que c'est un animal fabuleux. Les Latins l'ont appellé unicornis, & les Grecs monoceros. Mais on a trouvé aux Indes plusieurs animaux qui n'ont qu'une corne, comme vaches, taureaux, chevaux, asnes, cheures, daims, &c. La Peyrere en sa Relation de Groenland dit que ce qu'on croit corne de licorne est une dent d'un gros poisson nommé par les Islandois narwal, & dans d'autres lieux rohart, qui se trouve dans la Mer Glaciale, qui a fourny abondance de ces cornes dans les cabinets des curieux. Même Charras dans sa Pharmacopée se vante d'en avoir une qui surpasse en longueur & en grosseur celle du Tresor de St. Denis. Cette corne sort du milieu du devant de la maschoire superieure de ce grand poisson, où elle a environ un pied de long de racine aussi grosse que la corne même. Elle luy sert même d'arme & de deffense pour attaquer les plus grosses baleines, & il la pousse avec tant d'impetuosité, qu'il en peut percer un fort gros vaisseau. Paul Louïs Sachsius Medecin fait la description d'un Monstre marin qu'il appelle unicorne ou monoceros, qui est une espece de baleine qui vit de cadavres, qu'on pesche sur les costes d'island & Groenland, dont la corne est la seule dent qu'il a en la machoire superieure, qui est tournée, canelée, & terminée en pointe. Celle que vit cet Auteur estoit de 9. pouces de long.

Les Anciens ont creu que la corne de la licorne sert de contrepoison ; & qu'elle la trempe dans l'eau pour l'espurer, quand elle veut boire. Sa rareté fait qu'on luy attribuë plusieurs vertus dans la Medecine. Mais il est constant, comme l'a fort bien prouvé Ambroise Paré, que c'est une pure charlatanerie ; & il dit qu'il a experimenté que toutes les vertus qu'on luy attribuë sont fausses, quoy que les Marchands ayent mis son prix si haut, qu'un Allemand en vendit une douze mille escus au Pape, au rapport d'André Racci Medecin de Florence ; & que dans les boutiques la livre de 16. onces ait esté venduë jusqu'à 1536. escus en un temps ou le même poids de l'or n'en valoit que 148. Le Conciliateur dit que la licorne suë en presence du rapellus, ou d'une vipere, ou d'un fiel de leopard : ce qu'elle ne fait point en presence des autres poisons. Mais cela est encore fabuleux.

La licorne, en termes de Blason, se represente passante, quelquefois rampante : & lors qu'elle est en cette action, on l'a dit saillante.