s. f. C'est le troisiéme des quatre anciens Elements, qui est froid & humide par sa nature. Ce nom se donne à tous les corps clairs & liquides qui coulent sur la terre : comme, Eau de mer, de riviere, de fonteine, d'estangs, de sources, de cisternes, de puits. Cela est clair comme eau de roche. Thalés soustenoit que l'eau étoit le principe de tous les corps : & cette opinion a été renouvellée en nos jours par Robert Flud, qui en a fait un Systeme compris en plusieurs Volumes. Ce mot est derivé du Latin aqua, d'où on a fait premierement aigue, témoin Aiguesmortes, Aigueperse, Aiguebelette ; ensuite on a dit ayve & ayau, qu'on dit encore en quelques lieux, dont enfin on a fait eau. Borel dit que ce mot vient du vieux Gaulois auen ou auon, qui signifioit autrefois riviere, d'où sont venus les noms des villes Gandavum, Genabum & autres. Du Cange dit qu'on a appellé une Isle Eia, mot tiré du Saxon eaze, d'où nous avons fait eaue, & depuis eau.

On dit en general, Aller par eau, pour dire, Naviger, voyager sur la mer, sur les lacs & sur les rivieres. Passer l'eau, ou delà l'eau, c'est à dire, de l'autre costé de la riviere. Les eaux sont debordées, sont cruës.

On dit qu'une chose ne sent que l'eau, quand elle n'a ni sel, ni saveur. Jeusner au pain & à l'eau. On a observé que l'eau d'une fonteine est d'un autre poids à sa source, qu'à quelque distance de là ; & qu'aprés son degel elle est d'un autre poids qu'elle n'étoit auparavant. Une pinte d'eau du Gange est plus legere d'une once que quelque autre eau que ce soit : le Mogol n'en boit point d'autre, en quelque lieu qu'il se trouve.

EAU, en particulier, se dit de la pluye. Ce nuage espais nous menace d'eau. Il tombe de l'eau. Une ondée d'eau.

L'Escriture distingue les eaux qui sont au dessus du Firmament, & celles qui sont au dessous. Icy le Firmament est pris pour l'air. L'Esprit de Dieu étoit porté sur les eaux.

EAU, en termes de Theologie, se dit premierement de celles avec laquelle on baptise. Le pecheur est regeneré par les eaux du Baptême, par les eaux de la grace.

EAU BENITE, est une eau qui se fait dans l'Eglise avec certaines prieres, exorcismes & ceremonies. On la prend à l'entrée & au sortir de l'Eglise. L'eau benite de Pasques est celle qu'on preparoit autrefois seulement pour baptiser les enfants. Celle de la Pentecoste, & celle qu'on fait tous les Dimanches, sert pour la devotion, pour effacer les pechez veniels, chasser les Demons, preserver du tonnerre, &c.

On appelle aussi eau benite, cette ceremonie & ces prieres qui se font les Dimanches avant la grande Messe pour benir l'eau : comme, Voilà l'eau benite qui sonne.

Dans le Livre des Nombres il est fait mention d'une eau qui servoit à esprouver si une femme étoit adultere. Chez nos Anciens on faisoit la preuve des crimes par l'immersion du corps ou du bras dans de l'eau chaude, ou dans de l'eau froide, avec plusieurs ceremonies ecclesiastiques : ce qui a encore lieu chez plusieurs nations. Si le corps surnageoit, les accusez étoient declarez coupables, à l'égard de l'eau froide. Mais pour l'examen de l'eau chaude, il falloit plonger le bras nud dans de l'eau bouillante ; aprés on enveloppoit leur main, on mettoit un scellé sur l'enveloppe, & au bout de trois jours on la venoit visiter, & si elle se trouvoit sans bruslure, ils étoient declarez innocents. Les Nobles se purgeoient par le fer chaud ; & ceux qui n'étoient pas de libre condition, par l'eau froide. Le Pere Mabillon dit que ce fut le Pape Eugene II. qui inventa cette ceremonie, pour retrancher la coustume de faire serment en mettant la main sur les reliques des Saints, dont on abusoit ; & qu'elle fut deffenduë par Innocent III. au Concile de Latran. Voyez Preuve.

En devotion il y a Eau de S. Clair, qui guerit du mal des yeux ; Eau de Sainte Geneviefve, qui guerit de la fievre.

Chez les Payens on appelloit eau lustrale, une eau qu'ils preparoient avec plusieurs ceremonies à leur mode.

EAU, en termes de Physique, se dit aussi des humiditez qui sortent des corps, comme de l'urine & de la sueur. Il est allé faire de l'eau, lascher de l'eau, un filet d'eau ; il ne peut retenir son eau. Cette course, cet accés de fievre l'a mis tout en eau. On le dit aussi de l'eau qui est enfermée dans quelque bube ou vessie, ou entre cuir & chair, qui forme l'hydropisie. Il a vuidé quantité d'eaux. Il luy est tombé des eaux sur les jambes : ce qui se dit plus ordinairement des chevaux, quand il leur tombe de mauvaises humeurs sur le boulet & le paturon. On dit, Fondre en eau, pour dire, Pleurer abondamment.

En termes de Marine on dit, Faire de l'eau, pour dire, Faire aiguade, faire ses provisions d'eau douce au milieu d'un voyage de long cours. Ce navire fait eau, c'est à dire, que l'eau entre dans le navire par quelque ouverture, ou voye d'eau. Ce vaisseau tire tant d'eau, pour dire, enfonce dans l'eau de tant de pieds. Il faut attendre le vif de l'eau, ou la haute eau, pour dire, la pleine marée. On dit au contraire, basse eau, ou eau morte, dans le reflus, lors que la marée est basse, & que la mer refoule. Les eaux vives regnent trois jours devant, & trois jours aprés la nouvelle ou la pleine Lune. Les eaux mortes viennent aprés les six jours qu'ont occupé les eaux vives. Ce vaisseau alloit à fleur d'eau, c'est à dire, n'avoit gueres de bord hors de l'eau. Ce navire estoit percé à l'eau, c'est à dire, dans les oeuvres vives, ou qui plongent dans l'eau. On dit aussi, qu'un navire est sur l'eau d'un autre, pour dire, qu'il suit son cours, son sillage. On dit aussi, Mettre un navire à l'eau, le pousser à l'eau, quand du chantier où il estoit pour le bastir, ou le radouber, on le pousse dans la mer. Des courants d'eau, ce sont des mouvements d'eau impetueux qui se trouvent le long des costes ou destroits, & qui naissent de leurs sinuositez. Le courant de l'eau, ou le fil de l'eau, se dit seulement de l'endroit des rivieres où l'eau est la plus forte. On appelle aussi chef d'eau, la haute marée ; & dans la bonasse on dit que l'eau est platte & courtoise.

On dit en termes d'Hydrauliques, Conduire les eaux, pour dire, les enfermer dans des tuyaux ou canaux, élever les eaux par des machines, comme par les pompes, qui l'élevent par aspiration jusqu'à 32. pieds ; ou par compression, en pressant l'eau pour l'élever si haut qu'on veut, parce que l'eau ne se condense jamais. Faire un jet d'eau, c'est, Eslever l'eau, & la faire jaillir en l'air. Un bouillon d'eau, est celuy qui ne s'éleve gueres au dessus du tuyau. Une cheute d'eau ou cascade. Une nappe d'eau, se dit quand l'eau s'étend comme une nappe sur une pierre d'où elle tombe. Un soleil d'eau, quand les jets se distribuent en rayons. Une gerbe d'eau, quand il y a grand nombre de tuyaux prés l'un de l'autre qui jettent de l'eau ensemble. Un berceau d'eau, quand il y a des jets d'eau à droit & à gauche qui se courbent en arc par dessus la teste. Un rond d'eau. Un reservoir d'eau, ou un regard. Un pouce d'eau. Bernard Palissi, Jacques Besson, Serlio, & le Theatre d'Agriculture, ont escrit de l'art de conduire les eaux, de trouver des sources & des fonteines.

En Medecine on appelle eaux cordiales, certains remedes qui confortent le coeur : eaux minerales, celles qui servent de remede, & qui ont contracté quelque vertu en passant à travers des mineraux, comme alun, vitriol, soulfre. Les eaux de Bourbon, de Forges, de Spa, de Pougues. Et on dit absolument, Il est allé aux eaux, On luy a ordonné les eaux. Eau panée, eau battuë, est celle où on a mis tremper du pain, ou qu'on a battuë, pour luy oster sa crudité. Eau ferrée, celle où on a esteint une bille d'acier rougie au feu. On dit aussi, Saigner le pied en l'eau.

Le Apothicaires font aussi des eaux cephaliques, ophthalmiques, thoraciques, stomachiques, hepatiques, spleniques, nephretiques, hysteriques, arthritiques, & autres contre plusieurs maladies, que l'on peut voir dans la Framboisiere & les Dispensaires.

En termes de Chymie on appelle aussi eaux, les sucs qui se tirent par la distillation, ou avec la force du feu : comme eau de senteur, de rose, de fleur d'orenge, de naphte ; eau d'Ange, eau de plantin.