EAU FORTE, ou eau ardente ou caustique, c'est de l'eau qui se fait par la distillation du vitriol seul, ou avec alun & salpestre, qui est la base ordinaire des eaux fortes, ou avec d'autres sels meslez ensemble. Elle sert à graver, & dissout tous les metaux, à la reserve de l'or. En Chymie on l'appelle en Latin aqua stygia. On tient que l'invention des eaux fortes n'est que de l'année 1300. ou environ, comme il est témoigné dans le II. Tome de la Bibliotheque des Philosophes ; quoy que quelques-uns croyent qu'elle ait été connuë du temps de Moise.

EAU PHILOSOPHIQUE OU DES DEUX CHAMPIONS, est celle qui se fait avec du salpestre & du sel armoniac.

EAU SECONDE, est l'eau forte qui a desjà servi à la dissolution de quelques metaux, qui par ce moyen a perdu une partie de sa force.

EAU REGALE ou DE DEPART, c'est de l'eau forte dans laquelle on a adjousté en la faisant du sel commun, du sel gemme ou du sel armoniac, laquelle en ce cas dissout l'or sans toucher aux autres metaux. Toutes ces eaux s'appellent aussi menstruës ou dissolvantes.

EAU DE LA REINE DE HONGRIE, est une distillation qui se fait au bain de sable des fleurs de rosmarin mondées de leurs calices sans aucune partie de l'herbe, dans de l'esprit de vin bien rectifié. On l'appelle ainsi, à cause du merveilleux effet qu'en ressentit une Reine de Hongrie à l'âge de 72. ans.

EAU IMPERIALE, c'est de l'eau distillée de noix muscade, écorce de citron, cloux de girofle, feuilles de laurier, d'hyssope, de thim, de marjolaine, de sauge, de rosmarin, de lavende, de fleurs d'orenge, &c.

EAU STIPTIQUE, est celle qui est faite avec une dissolution de vitriol, ou du colcotar, qui reste dans la cornuë aprés qu'on en a tiré l'esprit, qu'on mesle avec de l'alun bruslé & du sucre candi. On prend 30. grains de chacune de ces trois drogues, qu'on mesle avec demionce d'urine de jeune homme, & autant d'eau rose, & deux onces d'eau de plantin, & on l'applique exterieurement.

EAU DE VIE, c'est du vin qu'on fait distiller dans un matras au bain Marie, ou à petit feu de flamme, & qu'on reduit environ à la sixiéme partie : le reste est un flegme insipide. On fait passer le col du matras en serpentant dans un tonneau d'eau froide pour la refroidir plûtost. Quand cette eau de vie est distillée encore une fois, & reduite à la septiéme partie, on a de l'esprit de vin ; lequel étant derechef distillé, donne de l'esprit de vin rectifié.

EAU GOMMÉE, est celle qui se fait en y laissant tremper de la gomme Arabique enfermée dans un morceau de linge. Les femmes en font aussi pour gommer leurs cheveux, en y laissant tremper des pepins de coin.

EAU DE BLANC D'OEUF, c'est de l'eau qui se fait en foüettant bien le blanc d'oeuf, ou bien en le faisant abbreuver par une esponge plusieurs fois, & l'espreignant aussi-tost, puis la faisant couler par le papier gris. C'est une eau jaunastre qui est la plus fine de toutes les colles.

Les Limonadiers font aussi des eaux pour chatouiller le goust, des eaux de cerise, de verjus, de groseille, de frangipane, qui sont des eaux sucrées & parfumées où on a mis des groseilles, des cerises, des parfums.

EAU, se dit aussi du suc de quelque fruit que ce soit. Cette poire est de bonne eau.

En termes de Joüailliers, on appelle eau, l'éclat des perles & des diamants qu'on suppose être faits d'eau. Cette perle est de belle eau. L'eau de ce diamant est trouble.

Donner l'eau à un drap, c'est le lustrer, le calendrer. On dit aussi des cuirs, quand ils sont à la tannerie, qu'on leur donne plusieurs eaux pour les preparer. En Astronomie, on appelle un Signe celeste, le Verseur d'eau, qui est l'onziéme à compter d'Aries.

EAUX, se dit au plurier en ces phrases. Le grand Maître des Eaux & Forests prend la qualité d'Enquesteur & Reformateur General des Eaux & Forests. Les Maistrises particulieres des Eaux & Forests, la Reformation Generale des Eaux & Forests, ce sont des Officiers ou des Jurisdictions qui jugent des causes concernant les eaux & les forests. Intendant des Eaux, celuy qui a soin de faire aller les eaux des Maisons Royales.

EAU, se dit proverbialement en ces phrases. Un Medecin d'eau douce, c'est à dire, un malhabile Medecin qui n'a pour remede que de l'eau douce. On dit qu'un homme a mis de l'eau dans son vin, pour dire, qu'il est revenu de son emportement. Ses desseins vont avau l'eau, pour dire, ne reüssissent pas. L'eau luy en vient à la bouche, pour dire, Cela luy donne l'envie d'en taster. Ce proverbe répond au Latin salivam movere, qui signifie faire venir de l'appetit. On dit d'un homme qui fait beaucoup de compliments, ou de promesses sur lesquelles il ne faut pas faire grand fondement, que c'est de l'eau benite de Cour, parce qu'on n'est point chiche de belles promesses à la Cour, non plus que d'eau benite à l'Eglise. On dit d'un homme dont le merite n'est point connu, qu'il faut qu'il fasse voir de son eau, pour dire, qu'il fasse voir ce qu'il sçait faire. On appelle des gens de delà l'eau, des gens grossiers & mal instruits des nouvelles & des affaires du temps. Les eaux sont basses, pour dire, qu'on n'a point de fonds, point d'argent en bourse. Suer sang & eau, pour dire, Faire un effort, ou un travail extraordinaire pour parvenir à quelque chose. On appelle un beuveur d'eau, un homme froid & incapable de grandes affaires. On dit, Faire venir l'eau au moulin, pour dire, Faire venir du profit, de l'argent à la maison. Nager en grande eau, pour dire, Estre en fortune, dans les grands emplois. Il est heureux comme le poisson dans l'eau, pour dire, Il est en son élement, où il se plaist, où il est bien. Revenir sur l'eau, se dit d'un homme qu'on croyoit abysmé, & qui restablit ses affaires, & rentre dans le negoce. On dit aussi, Rompre l'eau à quelqu'un, pour dire, Apporter quelque obstacle à sa fortune, à ses affaires : ce qui se dit au propre des chevaux qu'on oblige à boire à plusieurs reprises. On dit qu'un valet est allé à la bonne eau, pour dire, qu'il est trop long-temps à revenir d'un message. Laisser courir l'eau, pour dire, Ne se point soucier comment vont les affaires. Battre l'eau, pour dire, Travailler inutilement. On dit encore, Tant va la cruche à l'eau, qu'enfin elle se brise, pour dire, qu'à la fin on perit dans les dangers où on s'expose trop souvent. Nager entre deux eaux, c'est à dire, Estre incertain quel parti ou opinion on doit suivre. Pescher en eau trouble, c'est à dire, Profiter des desordres du temps, du mauvais estat d'une famille. On dit encore d'un homme malheureux, qu'il se noyeroit dans un verre d'eau : d'un avare, qu'il ne donneroit pas un verre d'eau, qu'il ne donne rien du tout : d'un melancolique & meschant, que c'est une eau dormante, qu'il n'y a point d'eau pire que celle qui dort : d'un homme inutile, qu'il ne gagne pas l'eau qu'il boit. Porter de l'eau à la mer, c'est à dire, Donner à quelqu'un des choses dont il n'a desjà que trop. C'est une goute d'eau dans une mer, c'est à dire, que ce qu'on met dans quelque chose ne la fait pas paroistre davantage. Il n'y fera que de l'eau toute claire, pour dire, qu'il ne reüssira pas en une telle affaire. On dit de deux gemeaux, qu'ils se ressemblent comme deux goutes d'eau : de deux personnes qui se haïssent, que c'est le feu & l'eau : d'une affaire qui n'a point reüssi, Tout s'en est allé en eau de boudin, ou avau l'eau : d'un homme niais & innocent, qu'il ne sçait pas l'eau troubler. Tenir le bec en l'eau, c'est à dire, Amuser long-temps une personne, sans luy tenir ce qu'on luy fait esperer. On dit aussi d'un homme officieux, qu'il se mettroit dans l'eau jusqu'au cou pour servir ses amis : d'un homme qui se noye, que l'eau est entrée dans ses souliers par le collet de son pourpoint. On dit des enfants, qu'il les faut garder de feu & d'eau jusques à sept ans. On dit encore, Ce crime est si grand, que toute l'eau de la mer ne suffiroit pas pour le laver ; & au contraire, Il fait aussi peu de scrupule de cela, que de boire un verre d'eau. On dit aussi, Si on l'envoyoit à la riviere, il ne trouveroit point d'eau, pour dire, qu'il ne pourroit pas trouver les choses les plus communes. On dit aussi, Il passera bien de l'eau sous les ponts entre cy & là, pour dire, Cela n'arrivera de long-temps. On dit aussi, Gare l'eau là-bas, quand on veut jetter par les fenestres quoy que ce soit.