s. m. C'est un corps mineral qui approche de la nature des metaux, & que quelques-uns croyent en contenir tous les principes, parce qu'il se trouve prés des mines des uns & des autres, & sur tout dans celles d'argent & de plomb ; & souvent il a sa mine propre. On l'appelle aussi, Marchasite de plomb, & les Chymistes le nomment le Loup ou le Saturne des Philosophes, parce qu'il devore les autres metaux, quand on les fond ensemble, & qu'il les consume tous, à la reserve de l'or. On l'appelle aussi Prothée, à cause de la diversité des couleurs qu'il prend par le moyen du feu. On le tient composé d'un double soulfre mineral, l'un metallique approchant de la pureté & de la couleur de celuy de l'or, & l'autre terrestre & combustible, sembable presque au soulfre commun ; d'un mercure fuligineux & mal digeré, participant de la nature du plomb & d'un peu de sel terrestre. Il ressemble à de l'escume d'argent, & il a une couleur claire & luisante. Il se dissout difficilement au feu, & plus facilement dans l'eau. Il est fragile comme le verre, & tient le milieu entre les metaux & les pierres, parce qu'il se fond comme le metail, mais il n'est pas ductile, non plus que les pierres. Il y en a un masle qui est plus sablonneux, & un autre femelle qui est plus pesant, plus brillant & plus friable. On le mesle avec d'autres metaux pour faire des miroirs, parce qu'il les rend capables d'un plus beau poli. On le melle aussi pour faire des cloches, parce qu'il rend leurs sons plus clairs. On le mesle à l'estaim pour le rendre plus dur, plus blanc & plus sonnant ; & enfin au plomb dans les fontes des caracteres d'Imprimerie, pour les rendre plus durs & plus unis. Il aide generalement à la fusion des autres metaux, & sur tout à celle des boulets de canon. On a creu qu'il pouvoit servir à une medecine universelle, car c'est en effet celuy qui fournit le plus de remedes & pour un plus grand nombre de maladies. Sa principale qualité est de provoquer le vomissement, & de purger par haut & par bas : ce qui en fait faire diverses preparations, que les Medecins appellent Emetiques. Ils donnent aussi ce nom au vin blanc dans lequel il est infusé, parce qu'il fait vomir. Les Latins l'appellent stibium, & les Grecs stimmi.

L'Antimoine crud, est celuy qu'on broye sur le porphyre tel qu'il vient de la mine.

L'Antimoine preparé, est celuy qui a passé par les mains des Artistes pour le purger de ses mauvaises qualitez, & faire diverses operations.

Le verre d'antimoine, est de l'antimoine broyé, cuit & calciné par un feu violent dans un pot de terre, jusqu'à ce qu'il ne jette plus de fumée ; ce qui est une marque que tout son soulfre est évaporé. On le reduit en verre dans le fourneau à vent, & alors il est fort diaphane, rouge & brillant, & de couleur d'hyacinthe. Le verre d'antimoine est le plus violent de tous les vomitifs qui se tire de l'antimoine.

Le regule d'antimoine, est le culot ou ce qu'on trouve au fond & au dessous dans le creuset, où il y a de l'antimoine, aprés qu'il a été fondu avec des matieres capables de separer ses parties pures d'avec les impures. Pour le faire on prend de l'antimoine pulverisé avec du tartre crud & du salpetre rafiné, que l'on mesle exactement, & que l'on jette ensuite par cueillerées dans un creuset rougi au feu sur des charbons. Il se fait chaque fois une detonation semblable à celle de la poudre à canon. On en fait des balles purgatives qui servent toûjours, & qui ressortent sans qu'il paroisse qu'il y ait eu rien de diminué de leur grosseur & vertu ; desorte qu'on les appelle, pilules perpetuelles. On en fait aussi des gobelets, où laissant reposer quelque temps des liqueurs, elles deviennent aussi purgatives.

Les fleurs d'antimoine, c'est de l'antimoine en poudre sublimé dans un aludel, dont les parties volatiles s'attachent à ses pots en projettant peu à peu la poudre.

Le beurre d'antimoine, est une liqueur blanche & gommeuse qu'on nomme autrement, liqueur glaciale d'antimoine, qui se fait avec du regule d'antimoine & du sublimé corrosif. Cette liqueur se coagule en forme de glace dans le recipient, & est fort caustique ; desorte qu'on ne l'employe qu'à l'exterieur pour arrester la cangrene, guerir la carie des os, des cancers, des fistules, &c. Si en voulant faire le beurre d'antimoine on se sert d'antimoine crud, on fait simplement le cinnabre d'antimoine. Mais si on y employe le regule, on fait le beurre d'antimoine, dont on retire un mercure coulant, & point de cinnabre.

Le safran d'antimoine se fait d'antimoine & de nitre mis en poudre & au feu, lequel aprés la detonation & la fusion, fait descendre au fond du vaisseau les parties les plus pures de l'antimoine. Elles ont la figure d'un foye, qui font qu'on luy donne aussi le nom de foye d'antimoine, ou de safran des metaux. On le nomme aussi magnesie opaline, à cause qu'il a la figure de marchasite & la couleur de l'opale. On en fait les poudres & le vin, le syrop, le tartre & autres poudres émetiques.

L'Antimoine diaphoretique, est celuy qui est meslé & preparé avec du nitre, qui change ses qualitez vomitives & purgatives en diaphoretiques. On l'appelle aussi, bezoard mineral.

L'huile d'antimoine, est de l'antimoine pilé & meslé, mis en digestion dans un vase plein de fort vinaigre sous du fumier pendant plusieurs jours ; & aprés cette operation plusieurs fois reïterée, le vinaigre qu'on distille donne une liqueur sanguine qu'on appelle huile d'antimoine, & qui colore l'argent en or.

La chaux d'antimoine s'appelle quelquefois ceruse, à cause de son extreme blancheur.

Le soulfre doré d'antimoine se fait avec des scories qui se rencontrent au dessus du regule en le faisant bouillir dans de l'eau, & en precipitant ce qui a été dissous par le vinaigre qu'on y jette.

Avant le douziéme siecle l'antimoine n'étoit connu que pour entrer dans la composition du fard : mais en ce temps-là un Moine nommé Basile Valentin fit un livre intitulé, Currus Antimonii Triumphalis, où il soustint que c'étoit un remede pour toutes sortes de maux. Trois cens ans aprés Paracelse le remit en vogue : mais on en condamna l'usage par Arrest du Parlement de l'an 1566. auquel un Medecin nommé Besnier ayant contrevenu en 1609. fut exclu de la Faculté. L'antimoine fut receu par autorité publique au nombre des remedes purgatifs en 1637. & en l'an 1650. on cassa l'Arrest de 1566. La Faculté le fit mettre au rang des remedes purgatifs dans l'Antidotaire imprimé par son ordre en 1637. suivant l'opinion de Matthiole. Et enfin elle a fait donner un Arrest du 29. Mars 1668. qui a donné permission aux Docteurs de Medecine de s'en servir, avec deffences aux autres personnes de l'employer que par leur advis.

Ce mot d'antimoine vient, selon quelques-uns, de ce qu'un Moine Allemand, c'est ce même Valentin, qui cherchoit la Pierre Philosophale, ayant jetté aux pourçeaux de l'antimoine dont il se servoit pour avancer la fonte des metaux, reconnut que les pourceaux qui en avoient mangé, aprés avoir été purgez tres-violemment, en étoient devenus bien plus gras : ce qui luy fit penser qu'en purgeant de la même sorte ses Confreres, ils s'en porteroient beaucoup mieux. Mais cet essay luy reüssit si mal, qu'ils en moururent tous. Cela fut cause qu'on appella ce mineral Antimoine, comme qui diroit, Contraire aux Moines. Cette étymologie vient d'un vieux Manuscrit d'Allemagne qui est dans la Bibliotheque de Mr. Moreau Medecin du Roy, cité par Mr. Perrault dans son livre du Rabat-joye de l'Antimoine.