s. m. C'est le nom d'une Province de l'Amerique riche en or & en argent. Il est passé en usage dans la langue en cette phrase : C'est un Perou, en parlant d'une affaire fort lucrative, où il y a à faire des gains inconnus. Ce nom vient du premier Indien qui fut pris par le Capitaine Vasco Nunnes de Balboa qui rodoit la coste, & qui ne pût tirer autre parole de cet Indien, que le nom propre dont il s'appelloit, qui étoit Beru, comme témoigne l'Inca Garcilaço de la Vega, qui dit que cela fit donner ce nom à toute la Province, & à un fleuve qui la traverse, qui est proche de la Ligne Equinoctiale. Le Perou a 700. lieuës de coste sur la mer du Sud, & les nouvelles conquestes qui vont jusqu'au Chili ont 500. lieuës. On tire tous les ans douze à treize millions d'or du Perou. Les mines de Potocchi sont d'argent, & furent découvertes en 1545. 14. ans aprés la conqueste du Perou. L'enclos qui en borne l'étenduë s'appelle Potosi : c'est une montagne située en rase campagne, qui a la forme d'un pain de sucre, qui a plus d'une lieuë de circuit par enbas, & par enhaut un quart de lieuë. Les richesses du Perou ne sont pas concevables. Les Incas avoient non seulement tout le service de leurs maisons, de leurs tables, de leurs cuisines tout d'or, mais ils avoient aussi des statuës d'or dans leurs antichambres aussi grandes que des Geants, & des figures au naturel de tout ce que leur Royaume produisoit d'animaux, d'oiseaux, d'arbres, d'herbes, de plantes & de poissons, & des greniers pleins de grains d'or & d'argent, & de gros lingots d'or rangez les uns sur les autres, comme si c'eussent esté des busches de bois en pile. Ils avoient une maison de plaisance, dont tous les arbres, les fleurs & les plantes étoient d'or ou d'argent massifs. Les portes des temples étoient couvertes de lames d'or & d'argent, & semées de turquoises & d'émeraudes. Il y avoit entr'autres une chaisne d'or fameuse longue de 350. pas, dont chaque chaisnon étoit gros comme le poignet. Deux cens hommes des plus robustes à peine la pouvoient lever de terre. Elle fut jetté dans un lac à l'arrivée des Espagnols, qui ne l'ont pû jamais trouver. Les liaisons des pierres de leurs bastimens étoient faites avec de l'or, de l'argent, du cuivre & du plomb fondus ensemble ; car ils n'avoient ni mortier, ni plastre, ni aucuns outils pour tailler les pierres, ni de machines pour les transporter, quoy qu'il y en eust de prodigieuses, puis qu'Acosta dit en avoir mesuré une de trente-huit pieds de long sur dix-huit de large & de deux d'espaisseur. Vasquez dit qu'en la ville de Panchelme le bassin de la fonteine publique étoit d'or, & pesoit vingt-quatre mille marcs ; & qu'il y avoit des maisons couvertes de lames d'or si grosses, que douze hommes n'en pouvoient remuer qu'une. Atabalipa offrit de payer pour sa rançon en sept jours vingt-sept millions d'or, & les Indiens pour avoir leur liberté 21. millions d'or. On prit aux Indiens 70. millions d'or, & autant en joyaux, qui furent apportez en Espagne lors de la conqueste. Mais quoy que ce soit le plus riche pays du monde, les hommes y sont les plus pauvres & les plus miserables, à cause de la cherté des denrées à proportion. Les premieres bouteilles de vin furent venduës 200. ducats ; une aune d'écarlate 60. ducats ; une paire de bottes 36. ducats ; une main de papier 4. ducats ; un fer à cheval six ducats. Une truye & un cochon furent vendus 1600. poids, qui valent 1920. ducats. Les chevaux ont esté vendus jusqu'à 6000. poids & jusqu'à 12000. ducats. Avec tout cela un Indien disoit aux Espagnols, que quand ils n'auroient fait que leur apporter des rasoirs, des ciseaux, des peignes & des miroirs, on ne les pouvoit assez payer par tout l'or & l'argent du Perou.