s. m. Quelques-uns écrivent Chamelion. C'est un petit animal fait comme un lezard, si ce n'est qu'il a la teste plus grosse & plus large. Cet animal habite dans les rochers. Il a quatre pieds, en chacun trois doits ; la queuë longue, avec laquelle il s'attache aux branches des arbres, aussi-bien qu'avec les pieds. Il a le mouvement tardif comme la tortuë, mais fort grave. Il y en a d'Egypte qui ont jusqu'à onze à douze pouces de long, y compris la queuë. Ceux d'Arabie & de Mexique ont six pouces seulement. Sa queuë est platte, le museau long. Il a le dos aigu, la peau plissée & herissée comme une scie depuis le col jusqu'au dernier noeud de la queuë, & une forme de creste sur la teste. Il a la teste sans col comme les poissons. Il fait des oeufs comme les lezards. Son museau est fait en pointe obtuse. Il a deux petites ouvertures dans la teste qui luy servent de narines. Ses deux maschoires sont jointes par une ligne presque imperceptible. Ses yeux sont gros, & ont plus de cinq lignes de diametre, dont l'iris est isabelle bordée d'un cercle d'or, quoy que Jonston dise qu'elle luy manque. Il n'a point d'oreilles, & ne reçoit ni ne produit aucun son. Sa langue est longue de dix lignes, & large de trois, faite de chair blanche, ronde & applattie par le bout, où elle est creuse & ouverte, semblable en quelque façon à la trompe d'un élephant : aussi quelques-uns l'appellent-ils trompe. Il la darde & retire promptement sur les mouches, qui s'y trouvent attrapées comme sur de la glu. Elle s'allonge & se retire comme un bas de soye sur la jambe. Il a 18. costes, & son espine a 74. vertebres, y compris les 50. de sa queuë. On trouve dans son ventre des pierres qu'il vuide avec les excrements. Il devient quelquefois si maigre, qu'on luy compte les costes, desorte que Tertullien l'appelle une peau vivante. Elian, Gesner & Aldroandus disent qu'il se deffend du serpent par un festu qu'il tient dans sa gueule. Sa couleur ordinaire, quand il est en repos & à l'ombre, est d'un gris bleüastre. Aristote dit que sa couleur naturelle est le noir. Il y en a aussi de jaunes, & d'autres verds qui sont plus petits. Quand il est exposé au soleil, ce gris se change en un gris plus brun tirant sur le minime, & ses parties moins éclairées se changent en diverses couleurs qui forment des taches de la grandeur de la moitié du doit, dont il y en a quelques-unes de couleur isabelle. Les grains de sa peau non esclairez ressemblent aux draps meslez de plusieurs couleurs. Quelquefois quand on le manie il paroist marqueté de taches brunes qui tirent sur le verd. Si on le met sous un chapeau noir, il paroist violet. Si on l'enveloppe dans du linge, aprés y avoir été deux ou trois minutes, on l'en retire blancheastre ; mais cela ne luy arrive pas toûjours, & il ne prend point la couleur des autres estoffes dans lesquelles on l'enveloppe, & sa couleur ne change seulement qu'en quelques parties de son corps. Monconys dit avoir observé que le cameleon étant au soleil, paroist verd, quoy qu'il soit en un lieu où il n'y a point d'herbe ; qu'à la chandelle il paroist noir, quoy qu'on le mette sur du papier blanc ; & qu'étant enfermé dans une boëste, il devient jaune & verd : & il soûtient qu'il ne prend jamais que ces quatre couleurs. Les uns disent que ce changement de couleur se fait par suffusion, comme Seneque ; d'autres par reflexion, comme Solin ; d'autres par la disposition des particules qui composent sa peau, comme les Cartesiens. Ce que dessus est tiré pour la plus-part des Memoires de Mr. Perrault, qui en a fait des dissections.

On dit figurément, qu'un homme est un cameleon, quand il change d'advis ou de resolution, de parti ; à cause qu'on a creu faussement jusqu'icy que le cameleon changeoit de couleur à tout moment. On dit aussi de celuy qui apparemment n'a pas dequoy vivre, que c'est un cameleon, qu'il vit de vent, à cause de la vieille erreur où on étoit que le cameleon en vivoit.

Le cameleon est la matiere d'une serieuse meditation que fait Tertullien sur la fausse apparence, & il le propose comme le symbole des trompeurs & des fanfarons. Ce mot signifie petit lion, ou chameau-lion chez les Grecs, selon l'étymologie d'Isidore. Licetus croit que ce nom luy a été donné, à cause que comme le lion chasse aux autres bestes, de même le cameleon chasse aux mouches : par la même raison qu'un certain ver qui chasse & prend les fourmis, qu'Albert le Grand a descrit, est appellé formica-leo ; & qu'une petite escrevisse de mer est nommée lion, parce qu'elle est de la couleur du lion, à ce que disent Pline & Athenée.

Matthiole rapporte plusieurs superstitions des Anciens touchant le cameleon. Il ont dit que sa langue qu'on luy avoit arrachée étant en vie, servoit à faire gagner le procés de celuy qui la portoit : qu'on faisoit tonner & pleuvoir, si on brusloit sa teste & son gosier avec du bois de chesne, ou si on rostissoit son foye sur une tuile rouge : que si on luy arrachoit l'oeuil droit étant en vie, cet oeuil mis en laict de chevre ostoit les tayes : que sa langue liée sur une femme enceinte, la faisoit accoucher sans danger : que sa maschoire droite ostoit toute peur & frayeur, étant portée sur soy : & que sa queuë arrestoit des rivieres. Ce qui monstre que les Naturalistes ont dit des choses aussi fabuleuses que les Poëtes. Pline dit que Demoerite avoit fait un livre entier de ces superstitions. Et Solin dit, qu'il y a une telle antipathie entre le corbeau & le cameleon, que celuy-là meurt incontinent aprés qu'il a mangé de sa chair : ce qui est faux ; quoy que quelques Modernes assûrent que le cameleon pour éviter les serpents monte sur des arbres, & que de là il les espie pour les faire mourir par sa bave qu'il laisse tomber sur eux. Pline s'est aussi fort trompé, quand il a dit qu'il y avoit des cameleons qui étoient aussi grands que des crocodiles.