subst. masc. Espece de verre coloré. Sa matiere fondamentale est de l'estain & du plomb en parties égales calcinées au feu de reverbere, à quoy on adjouste separément des couleurs metalliques telles qu'on luy veut donner, comme l'aes ustum pour le verd, le crocus de Mars pour le jaune. La chaux d'estain produit un blanc fort exquis ; celle d'argent un tres-beau bleu ; avec de la chaux de cuivre, de la limeure de fer & de l'orpigment, un tres-beau rouge ; avec du salpestre une couleur de perles ; avec du geais un tres-beau noir.

On travaille l'esmail au feu de lampe avec un petit tuyau par lequel on souffle soit avec la bouche, soit avec un soufflet ; & on le tire en des filets si deliez qu'on veut, jusqu'à les tourner sur un devidoir, & en faire des aigrettes. On fait trafic d'esmail en canon. Toutes les pierres precieuses contrefaites se font avec de l'esmail, c'est à dire, du verre & des metaux. Le verre est du plus beau cristal, & les metaux sont reduits en chaux lavée & filtrée, ensorte qu'ils se reduisent en sel, & aprés plusieurs cuissons & lotions se fait l'esmail blanc qui est susceptible de toutes les autres couleurs, en y meslant des matieres metalliques. Ce mot vient de l'Italien smalto & smaltare. Menage. D'autres croyent que le mot d'esmail vient de l'Hebreu hasmal, qui est deux fois dans Ezechiel, que St. Jerôme traduit par electrum, ancienne espece d'esmail composé d'or & d'argent, dont les Latins ont fait maltha & smaltum. Le premier étoit une espece de ciment dont parle Pline, fait de chaux, de poix & de graisse, & dont le Pontifical Romain fait mention dans la ceremonie de la consecration des Eglises. Et smaltum estoit un ouvrage de pieces rapportées, dont ont parlé plusieurs Auteurs, & entre autres Anastase le Bibliothecaire.

ESMAIL, se dit aussi de la peinture & du travail qui se fait avec des couleurs minerales qui se cuisent avec le feu ; ce qu'on appelle, Parfondre l'esmail. Un portrait fait en esmail ne s'efface point. Les borgnes se font faire des yeux d'esmail. Un tableau d'esmail. On a fort estimé autrefois les esmaux de Limoges qui se faisoient du temps de François I. particulierement sur du cuivre. Ils ont esté fameux dés le temps du XI. XII. & XIII. Siecle. Il est deffendu aux Orfevres de faire des doubles de voirines, qui sont des esmaux espais qui contiennent plus de verre que de matiere.

ESMAIL, se dit aussi d'une grande diversité de fleurs & de couleurs. L'esmail des prairies, des parterres.

ESMAIL, en termes de Blason, se dit de la diversité de couleurs & metaux dont un Escu est chargé. L'esmail se dit en general tant du metail que de la couleur, à cause qu'en effet l'esmail d'orfevrerie est un ouvrage fait de metail & de verre calciné qu'on teint de differentes couleurs. Le Blason n'a que sept sortes d'esmaux, Or, Argent, Gueules, Azur, Sable, Sinople, & Pourpre. Les esmaux du Blason sont venus des anciens jeux du Cirque, qui ont passé d'abord aux tournois ; car les Factions & les Quadrilles s'y distinguoient par le blanc, le rouge, le bleu & le verd. Suetone dit que Domitien y en adjousta une cinquiéme vestuë d'or, & une sixiéme vestuë de pourpre. A l'égard du sable, il est venu des Chevaliers qui portoient le deuil.