s. m. Caractere qui sert à exprimer les nombres. Chiffre Romain ou de Finance, est celuy qui se marque par certaines lettres de l'Alphabet, comme mil six cens quatrevingt-&-un, s'exprime ainsi M. DC. LXXXI. Le Chiffre Arabe, ou celuy dont on se sert en Arithmetique, Algebre, Trigonometrie & Astronomie, est ainsi figuré, 1681. Mais les Arabes reconnoissent qu'ils ont receu ces caracteres des Indiens, & ils les appellent figures Indiennes. On a commencé à compter par ces figures seulement du temps des Sarazins ; & on croit que Planudes qui vivoit sur la fin du XIII. Siecle, est le premier des Chrestiens qui se soit servy de chiffre. Nicod derive ce mot de l'Hebreu sephira, qui signifie nombre, ou saphar, qui signifie numeravit ; & croit qu'il faudroit escrire siphre. L'origine du chiffre Romain vient de ce qu'on a compté d'abord par les doits : desorte que pour marquer les quatre premiers nombres, on s'est servy des I. qui les representent, & pour le cinquiéme, on s'est servy d'un V. qui represente le pouce faisant un angle avec l'index ; & pour le dixiéme un X. qui est un double V. dont il y en a un renversé. Le cent fut marqué par sa capitale C, de même le mille par sa capitale M. A l'égard de L qui signifie cinquante, & du D qui signifie cinq cens, on s'en est servy, parce que ces caracteres étoient la moitié d'un C, ou d'une M. en lettres Gothiques.

Valla croit que les chiffres ont été inventés par les Orientaux : & il a raison, parce que dans les chiffres, on commence à écrire du costé gauche en tirant vers la droite ; ce qui étoit en usage en tout l'Orient chez les Caldeens, Syriens, Egyptiens, &c. Outre que les Indiens se servent encore des mêmes caracteres qu'on fait icy pour marquer les chiffres, aussi-bien que les signes du Zodiaque & les Planetes.

CHIFFRE, est aussi un caractere mysterieux composé de quelques lettres entrelacées ensemble, qui sont d'ordinaire les lettres initiales du nom de la personne pour qui il est fait. Quelquefois il est double, & on y mesle les lettres du nom d'une autre personne avec qui on a amitié ou relation. Les amoureux dans les Romans avoient coustume de graver leurs chiffres sur les pierres, sur les arbres. Aujourd'huy on grave des chiffres sur les cachets, on les peint sur les carrosses, on en fait des ornemens sur des meubles, des tapisseries, &c.

CHIFFRE, se dit encore de certains caracteres inconnus déguisés & variez, dont on se sert pour écrire des lettres, qui contiennent quelques secrets, & qui ne peuvent être entendus que par ceux qui sont d'intelligence, & qui sont convenus ensemble de se servir de ces caracteres. On en a fait une science qu'on appelle Polygraphie, ou Steganographie, c'est à dire, Escriture diversifiée & obscure, laquelle a été inconnuë aux Anciens. Tritheme, & depuis Jean Baptiste Porta, en ont écrit fort sçavamment. Vigenere & le Pere Niceron en ont aussi écrit.

On appelle chiffre à simple clef, celuy où on se sert toûjours d'une même figure pour signifier une même lettre : ce qui se peut deviner aisément avec quelque application. Un chiffre à double clef, est celuy où on change d'Alphabet à chaque ligne ou à chaque mot, & celuy où on met des nulles & autres déguisemens qui le rendent indechiffrable. On appelle aussi chiffre, l'Alphabet que chacun des correspondants garde de son costé, qui leur sert à écrire & à déchiffrer leurs lettres.

On dit proverbialement, qu'un homme est un o en chiffre, pour dire, qu'il n'a nul pouvoir, nulle autorité, qu'il ne peut faire ni bien ni mal à personne. Et chez plusieurs le zero est appellé particulierement chiffre.