subst. masc. Fleuve qui traverse une grande partie de l'Afrique. Il s'employe dans la Langue en cette phrase proverbiale : C'est un homme obscur, qui cache son logis, il est aussi inconnu que la source du Nil, parce que cette source a esté inconnuë jusqu'à ce dernier siecle. Elle est dans un territoire que les habitans appellent abain ou sacahala, c'est à dire, le pere des eaux. Ce fleuve sort de deux fontaines, ou de deux yeux, pour parler comme ceux du pays esloignées de trente pas, chacune de la grandeur d'un de nos puits, ou d'une rouë de carrosse, on en a trouvé le fond à seize ou dix sept pieds. Les habitans qui sont Payens adorent la plus grande, & luy offrent plusieurs sacrifices de vaches, dont ils mangent la chair comme sainte, & ils laissent les os dans un endroit destiné pour cela, qui font maintenant une montagne assez considerable. Il y a plus de deux mille ans qu'Herodote a fait mention de ces sacrifices de vaches qu'on fait aux sources du Nil. Ces habitans s'appellent Agaus dans le Royaume de Goyam à 12. degrez de latitude septentrionale, & 55. de longitude. C'est dans une plaine d'environ trois quarts de lieuë, enfermée de montagnes. Au sortir de là il entre en un petit lac, puis il se perd sous terre par l'espace d'une portée de mousquet ; & à trois journées de sa source, il est assez large & profond pour porter des vaisseaux ; mais à cent pas plus loin il passe à travers des rochers, en sorte qu'on le passe aisément sans se mouiller le pied. On y navige avec des bateaux de natte bien serrée. Il reçoit trois rivieres assez grandes nommées Gema, Linquetil, & Brantil ; & quand il est sorti du lac de Dambea qui a 50. lieuës de large, il reçoit de tres-grands fleuves, comme le Gamara, Abea, Baixo, & Aquers, & enfin prés de l'Egypte le Tacase. Il y a deux principales cataractes ou saults. A la deuxiéme il tombe dans un profond abysme. Le bruit s'en entend à trois lieuës de là. L'eau est poussée avec tant de violence, qu'elle fait une arcade, sous laquelle elle laisse un grand chemin où on peut passer sans estre mouillé, & où il y a des sieges taillez dans le roc pour reposer les Voyageurs. La premiere catadoupe ou cataracte du Nil est d'environ 50. pieds. La seconde est trois fois plus haute. Il n'est pas vray que le bruit que font les cataractes du Nil rende sourds les peuples qui en sont proches, quoy qu'on en entende le bruit à trois journées, & que les eaux qui en rejalissent paroissent comme une fumée. On dit qu'Albuquerque eut dessein de faire un traité avec les Abissins pour detourner le Nil, & le faire jetter dans la Mer Rouge, afin de rendre les campagnes d'Egypte steriles ; & que pour empescher cela le Turc paye tribut au Grand Negus. Mais cela est une fable, & la chose est entierement impossible. Alexandre consulta l'oracle de Jupiter Ammon, pour apprendre où estoit cette source. Sesostris, Ptolomée, la firent chercher inutilement. Cambises, à ce que dit Strabon, employa une armée pour la chercher. Lucain témoigne que Cesar disoit qu'il eut quitté la guerre civile, s'il eut esté asseuré de la trouver. St. Augustin & Theodoret ont creu que c'estoit le fleuve appellé Geon qui arrousoit le Paradis terrestre, & qui alloit par dessous la Mer Rouge renaistre en Afrique. Ce que dessus est extrait de l'Histoire escrite en Portugais par le Reverend Pere Balthasar Telles Jesuïte. Isaac Vossius a écrit de l'origine du Nil, & des autres fleuves, & en attribuë la source & le debordement aux pluyes abondantes en ce païs-là en Esté. Mr. de la Chambre attribuë la cause de sa cruë au Nitre dont le lit de ce fleuve est plein, qu'il dit estre cause d'une vehemente fermentation. Mais il se trompe, car la vraye cause de l'accroissement du Nil sont les pluyes qui commencent entre les deux Tropiques le premier jour de Juin, & qui sont causes du beau-temps dont on jouït cependant en Europe. Quand le Nil ne monte qu'à 16. degrez, on craint la famine ; à 23. degrez, c'est la bonne année. Quand il est plus haut, l'inondation est dangereuse. Cette hauteur s'estend depuis 12. jusqu'à 18. coudées. On gardoit la mesure de l'accroissement du Nil comme un relique dans le temple de Serapis, & l'Empereur Constantin la fit transporter dans l'Eglise d'Alexandrie.