s. m. Exercice & divertissement de guerre & de galanterie, que faisoient les anciens Chevaliers pour monstrer leur adresse & leur bravoure. Les premiers tournois ont été des courses de cheval en tournoyant avec des cannes en guise de lances ; au lieu que les joustes sont des courses accompagnées d'attaques & de combats de lance, tant sur l'eau, qu'à la barriere. Ce fut Henry surnommé l'Oiseleur Duc de Saxe, & depuis Empereur, qui introduisit l'usage des tournois en Allemagne l'an 934. comme dit Munster en sa Cosmographie. Mais le vray inventeur des tournois a été un nommé Geofroy II. Comte d'Anjou, & Seigneur de Preully vers l'an 1066. comme on voit dans la Chronique de Tours. Ils ont passé de France en Angleterre & en Allemagne. L'Histoire Bizantine dit que les Grecs & les Latins en ont pris l'usage des François ; & il en est fait mention dans Catacusene, Gregoras, Bessarion, & quelques autres Auteurs de la basse Grece. Quand il n'y a qu'une quadrille, c'est proprement un tournoy, ou course. Les joustes demandent au moins deux partis opposés, & les carrousels quatre. Budée derive ce mot de Trojana agmina, ou de torneamina par corruption, soustenant qu'on doit dire tournay. Les Latins ont dit tornamentum, que quelques-uns derivent de Trojamentum, quasi ludus Trojae. Menage veut qu'il vienne de tornensis, ou de tourner, à cause que les combattants tournent de costé & d'autre. Matthieu Paris les appelle en Latin hastiludia ; Nebrissensis, meditationes militares ; d'autres, gladiaturae ; d'autres, decursiones ladicrae, equestres pugnae.

On y a combattu dans la suite avec des épées rebouchées, & des lances sans fer, qu'on appelloit armes courtoises, & il étoit deffendu de combattre de la pointe. Quand on se battoit tout de bon, on appelloit ces armes à outrance.

Ainsi on a confondu les joustes & tournois, qui se faisoient avec grande ceremonie & magnificence. Les Adventuriers des Romans alloient chercher des tournois dans les Cours estrangeres. Ce fut un tel Chevalier qui gagna le prix du tournoy. Le Roy Henry II. mourut d'une blessure qu'il receut en un tournoy.

C'est à l'exercice des tournois qu'on doit rapporter le premier usage des Armoiries, parce que le nom de Blason, la forme des Escus, les esmaux, les figures principales, les timbres, les lambrequins, les supports, en sont des témoignages irreprochables.

On faisoit en Allemagne tous les trois ans des tournois solemnels, qui servoient de preuve de Noblesse ; car le Gentilhomme qui y avoit assisté deux fois étoit suffisamment blasonné & publié, c'est à dire, reconnu pour Noble, & il portoit deux trompes en cimier sur son casque de tournoy. C'est de là que viennent tant de cimiers à deux cornets, que plusieurs Auteurs ont pris mal à propos pour des trompes d'elephant. Ceux qui ne s'étoient trouvez en aucuns tournois, n'avoient point d'Armoiries, quoy qu'ils fussent Gentilshommes. Ceux qui avoient gagné les prix des tournois, étoient couronnez par les Dames ; & ces couronnes dans les vieux Romans sont nommées chapelets d'honneur, c'est à dire, petits chapeaux, ou guirlandes.

Le Pape Eugene II. excommunia ceux qui venoient aux tournois, & les priva de sepulture en terre sainte : ce qui marque qu'ils ont commence au huitiéme siecle du temps de Louïs le Debonnaire.