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s. f. Lumiere refleschie & modifiée selon la disposition des corps, qui les fait paroistre bleus, jaunes, rouges, &c. & qui les rend objets de la veuë. Les experiences modernes ont prouvé clairement que les Anciens se sont fort trompez, en distinguant les couleurs en vrayes, & en apparentes. Virgile a eu raison de dire, que la nuit ostoit la couleur à toutes choses. Il y a des couleurs simples, comme sont les cinq couleurs matrices des Teinturiers, dont toutes les autres derivent. Il y en a de composées, sçavoir le bleu, le rouge, le jaune, le fauve ou couleur de racine, & le noir. A l'égard du verd, il n'y a point dans la nature de drogue qui serve à teindre en cette couleur, mais on teint les estoffes deux fois, d'abord en bleu, & puis en jaune, & elles deviennent verdes. Du meslange des premieres couleurs il s'en fait un grand nombre, comme le violet, le gris de lin, nacarat, &c. expliquées à leur ordre. Le mercure est le fondement des couleurs, comme le sel des saveurs, & le soulfre des odeurs.

On appelle aussi couleurs simples, celles qui servent aux Enlumineurs & aux Peintres, qui viennent des vegetaux, & qui ne peuvent pas souffrir le feu, comme le jaune fait de safran ou de graine d'Avignon, la laque & autres teintures extraites des fleurs. Les autres sont minerales, qui se tirent des metaux, & qui souffrent le feu : ce sont les seules propres à faire l'esmail. Ainsi on tire de l'or & du fer le rouge, de l'argent le bleu, du cuivre le verd, du plomb le blanc ou la ceruse, quand il est dissous avec le seul vinaigre ; mais quand la ceruse a esté cuitte dans le fourneau, elle donne du massicot ; & du minium, quand elle est poussée davantage au feu.

Les Peintres distinguent aussi les couleurs en legeres, & en pesantes. Sous le blanc on comprend toutes les couleurs legeres. L'outremer est mis au rang des couleurs legeres. Sous le noir on comprend toutes les couleurs pesantes & terrestres. Le brun-rouge, la terre d'ombre, le verd-brun & le bistre, sont les couleurs les plus pesantes & les plus terrestres aprés le noir. Les Peintres appellent aussi couleurs rompuës, les couleurs trop vives, qu'ils affoiblissent par le meslange d'autres plus sombres. On dit que l'azur d'outremer est rompu de laque & d'ocre jaune, pour dire, qu'il y entre un peu de ces couleurs. Les couleurs rompuës servent à l'union & à l'accord des couleurs, soit dans les tournans des corps, soit dans leurs ombres. On appelle couleurs noyées, celles qui s'affoiblissent insensiblement ; comme sont celles que forment les nuances : & on appelle un ton de couleur, un degré de couleur, par rapport au clair obscur. Le Georgion s'est rendu admirable par le maniement & la beauté des couleurs.

Les couleurs changeantes sont celles qui dependent de la situation des objets à l'égard de la lumiere, comme celles des taffetas changeants, de la gorge des pigeons, &c. Neantmoins quand on regarde attentivement avec un bon microscope les plumes de la gorge d'un pigeon, on voit que chaque fil de ses plumes est composé de plusieurs petits quarrez alternativement rouges & verds : & ainsi ce sont des couleurs fixes. Le pere Kirker dit que les couleurs changeantes qu'on voit sur ces plumes des pigeons & des paons, viennent de ce que les plumes sont diaphanes, & d'une figure semblable à celle des triangles de cristal, ou prismes de verre, qui étant opposez à la lumiere, font voir des iris. Les couleurs fixes & permanentes ne se font point par des reflexions, comme les changeantes, mais par le passage de la lumiere à travers certains corps, soit en les traversant entierement, soit en se reflêchissant sur quelques-unes de leurs parties internes, ou aprés avoir un peu penetré leurs superficies. Il y a deux ordres differents dans les couleurs pour passer du blanc au noir. L'un est le blanc, le jaune, le rouge & le noir. L'autre est le blanc, le bleu, le violet & le noir. C'est la doctrine du Sieur Mariotte dans l'excellent Livre qu'il a fait des couleurs. Il y a des couleurs ou teintures tres-fixes, comme la teinture jaune de l'or, ou la bleuë du lapis lazuli, que le feu ne diminuë point ; & il est tres-difficile de les tirer par les dissolvants ordinaires.

COULEUR, se dit encore des corps solides, des drogues qui servent aux Peintres & aux Teinturiers pour faire paroistre ces couleurs. Un Peintre prepare ses couleurs sur sa palette. On appelle de mauvais Peintres, des broyeurs de couleurs. Et quand on dit que l'air mange les couleurs, on entend que son intemperie détache de petits corps des sujets sur lesquels elles avoient été attachées lors de leur teinture.

COULEUR, est quelquefois opposé au noir, parce qu'en effet le noir n'est pas une couleur, à cause qu'il imbibe toute la lumiere, & qu'il n'en refleschit aucune partie. En ce sens on dit que les gens de guerre & les Courtisans portent des habits de couleur, & que les gens de robbe ou d'Eglise en portent de noirs.

En approchant de ce sens, on appelle couleur haute, couleur rude, couleur forte, gaye, couleur éclatante, couleur claire, celle qui refleschit à nos yeux plus de rayons de lumiere, comme la couleur de cerise, la couleur de feu, l'incarnat. Et au contraire on appelle couleur douce, sombre, morne, triste, modeste, celle qui en reflêchit le moins, comme le gris de lin, feuille morte, couleur d'olive, couleur de pensée, &c.