v. act. Enlever quelque chose, s'en saisir, s'en rendre maistre de vive force. On prend des villes d'assaut, d'emblée, par siege, par surprise. On dit aussi, Prendre à rançon, prendre des ostages. On l'a pris à mercy, à composition. On a pris cette femme à force pour la violer. Les voleurs prennent les gens à la gorge pour prendre leur bourse. On dit aussi, Prendre un criminel, prendre un prisonnier, mettre un homme en prison. Ce mot vient du Latin prehendere. Menage.

PRENDRE, se dit aussi à la chasse. Il a pris tant de pieces de gibier soit à la course, soit en tirant, soit avec des filets. Ce levrier prend les lievres corps à corps.

PRENDRE, signifie aussi, Empoigner, avoir à la main. Il a pris un baston pour le frapper. On prend les armes à l'approche de l'ennemi. Les Heretiques ont pris les armes, ils se sont revoltez. Il l'a pris au collet. Ils se sont pris aux crins.

PRENDRE, signifie aussi, Toucher, manier. Il a pris la main d'une Dame. On l'est venu prendre pour danser. Quand il est seul, il prend un livre pour se desennuyer.

PRENDRE, signifie aussi, Recevoir amiablement. Un bon Juge ne doit jamais prendre de presens. Une femme qui prend, se vend. Voulez-vous prendre un doigt de vin, un petit repas ? Prendre de l'argent en rente, à usure ; prendre à bail, à ferme, à loüage ; prendre pour homme ; prendre en payement ; prendre ses seuretez ; prendre des mesures. Il prend plaisir à obliger ses amis, il prend peine à les servir. Il a pris cette Demoiselle pour femme, elle l'a prise pour son mary.

PRENDRE, se dit en Medecine des remedes dont on use. Les Medecins ne prennent gueres de medecine. Cette femme prend souvent des lavements, de petits remedes, des bouillons, pour avoir le teint frais ; elle prend le bain. Un desbauché prend du tabac en poudre, en fumée.

On dit aussi, qu'un homme a pris la fievre, la peste, & les autres maladies contagieuses. On dit que la fievre l'a pris, que son accés l'a pris, l'a saisi ; il a pris un rheume, une pleuresie ; il a pris du froid ; il y a long-temps que sa goutte ne l'a pris, ne l'a tourmenté. Quand on dit absolument, Il a pris du mal, on entend un mal venerien.

PRENDRE, en Physique signifie, Se coaguler, se figer. La presure fait prendre le lait. Le grand froid fait prendre la riviere. La cire se prend, quand elle se fige.

PRENDRE, signifie aussi, S'attacher, faire impression. Cette greffe a bien pris. Ce plançon a pris racine. Cette chair a bien pris son sel. Ce ragoust est trop espicé, il prend à la gorge. Cette odeur est trop forte, elle prend au nez, au cerveau. Cet yvrogne est toûjours pris de vin. Celuy qui se noye se prend, s'accroche à tout ce qu'il peut.

PRENDRE, se dit aussi en choses morales. Il a pris le vin en haine. Il a pris cet homme en amitié. Je l'ay toûjours pris pour un habile homme. Il prend bien les choses, il les tourne bien, il ne prend rien de mauvaise part. Il a bien pris le sens de son Auteur. Il a pris cela à contresens, il l'a pris de travers, il a pris pour luy ce qu'on disoit pour un autre. Un brave prend courage ; un poltron prend l'espouvante, prend l'alarme legerement. Un juste prend patience, prend toutes les choses de la main de Dieu ; il prend en gré toutes les afflictions. Il a pris ce reproche à injure, il l'a pris trop à coeur. On prie Dieu qu'il prenne pitié de nous. On dit d'un homme colere, qu'il est aisé à prendre feu.

PRENDRE, signifie encore, Tromper, ou être trompé. Il s'est laissé prendre par le bec, prendre au mot. Il s'est laissé prendre au piege comme un estourdi, prendre sur le fait. Il a été pris par les yeux, il est devenu amoureux.

PRENDRE, signifie aussi, S'attaquer. Il ne sçait à qui s'en prendre ; il s'en prend à celuy qui n'en peut mais, au premier venu. Un blasphemateur s'en prend à Dieu. Il s'en prend à plus fort que luy, il luy en prendra mal, il s'en repentira. Il luy en a bien pris, que le Maistre n'estoit pas au logis. Ils se sont pris de paroles. Il l'a pris en trahison, par derriere. Quand le debiteur ne paye pas, on s'en prend à sa caution.

PRENDRE, se dit aussi en parlant du choix d'une profession. Ce bourgeois a pris l'espée. Cet autre a pris la robbe. Celuy-là a pris l'habit, s'est fait Moine. Il est en âge de prendre son parti.

En Theologie on dit que Nostre Seigneur JESUS-CHRIST a pris chair humaine, pour dire, qu'il s'est incarné.

PRENDRE, se dit aussi au Palais. Prendre le fait & cause d'un Fermier, c'est prendre en main sa deffense. Prendre des meubles par execution, c'est les enlever par autorité de Justice. Prendre un Juge à partie, c'est l'inthimer en son propre nom. Prendre des conclusions, c'est former une demande, y conclurre sur le Barreau, ou au Parquet. Prendre droit par les charges, c'est s'en rapporter aux témoins. On dit aussi, Prendre au corps, c'est arrester prisonnier. Il y a des Procureurs qui prennent à toutes mains.

On dit aussi, Prendre pour conseil, pour adjoint ; prendre pour Juge, pour arbitre ; prendre à sa charge, à sa garde ; prendre à ses risques, perils & fortunes. On dit aussi, qu'un Juge a pris connoissance d'une affaire, pour dire, qu'elle est pendante devant luy. Prendre à témoin, c'est demander une attestation. La Cour a pris ce complaignant en sa protection, elle l'a mis en sa sauvegarde.

PRENDRE, se marie avec plusieurs mots qui changent sa signification. Prendre terre, c'est descendre d'un vaisseau. Prendre le largue, c'est se mettre en haute mer. Prendre langue, c'est s'enquerir de l'estat des lieux où on est. Prendre l'air, c'est s'aller promener. Prendre le divertissement de la chasse, de la Comedie. Prendre sa bisque. Prendre la discipline, c'est se foüetter par mortification. Prendre la poste, le coche, c'est se servir de ces commoditez pour voyager. Prendre son temps, c'est mesnager une occasion. Prendre jour & heure, c'est convenir du temps pour terminer quelque affaire. Prendre garde, c'est observer quelque chose, espier, se precautionner. Prendre les devants, c'est prevenir quelqu'un. Prendre congé, c'est faire un compliment pour partir. On dit aussi, Prendre par escrit, faire un memoire de quelque chose. Prendre pretexte, occasion. Prendre le cas, supposer ; prendre les choses à la rigueur, au pied de la lettre. On dit aussi, qu'un homme prend trop sur soy, quand il s'efforce plus que sa santé ne luy peut permettre. On dit aussi, Je n'y prends, ni mets, pour dire, J'expose la chose sincerement & comme elle est. Il faut mettre cet Ouvrier en besogne pour voir comme il s'y prendra. Il ne sçait par quel bout s'y prendre. On dit au jeu, C'est à vous à prendre, pour dire, Vous gagnez une main, levez cette carte. On dit à un Voyageur, Prenez à gauche, pour dire, Tournez de ce coste-là : & figurément on dit qu'un homme prend toutes les choses à gauche, quand il les tourne à contresens. Prendre son repas.

PRENDRE, se dit proverbialement en ces phrases. Ce qui est bon à prendre est bon à rendre. Il a pris martre pour renard, il s'est trompé. On dit pour se moquer de ceux qui ont manqué une capture, Ils sont pris, s'ils ne s'envolent. Il a pris un rat, pour dire, Il a manqué une occasion, une affaire. Il a été pris comme dans un bled, il a été pris sans verd. Il a pris cela pour argent comptant, se dit en raillant la credulité d'une personne. On dit aussi, Prendre l'occasion aux cheveux, ne l'a pas laisser eschapper. Il a pris le frein aux dents. Il faut prendre le temps comme il vient. On dit prendre la balle au bond. Prendre St. Pierre pour St. Paul, pour dire, Prendre l'un pour l'autre. On dit aussi, Prendre le lievre au collet, prendre les lievres au son du tambour. On dit aussi d'un avare, qu'il en prendroit sur l'autel, qu'il en prend par où il peut. On dit aussi, Prendre la Lune avec les dents, pour marquer un impossible. Prendre ses jambes à son cou, quand on commence un voyage à pied.