subst. mas. Grand receptacle, ou reservoir de tout l'élement de l'eau qui entoure la terre, & qui se repand en plusieurs parties de son globe. Dieu sçait le nombre des grains de sable de la Mer. L'Escriture dit qu'il a mis des bornes à la Mer, qu'il fait briser ses flots contre son rivage : ce mot vient du Latin mare, qu'Isidore derive de amarum, à cause que ses eaux sont ameres. D'autres le font venir de marath Hebreu, qui signifie amertume.

Les Payens nommoient la Mer, Thetis, Amphitrite ; & tenoient Neptune pour le Dieu de la Mer. Les Juifs donnoient le nom de Mer aux grands Lacs, comme la Mer de Tiberiade, la Mer Morte, ou Asphaltite, ou bitumineuse. Elle a cent mille de longueur, & 25. de large, selon Pline.

Le Lac Asphaltite est le lieu, où estoient Sodome & Gomorrhe. Les corps graves n'y enfoncent point. On n'y peut noyer aucun corps vivant. Il ne produit, que le bitume. L'eau en est si salée & amere, que si on y jette du sel dedans, il ne fondra point : Elle est plus blanche & plus pesante que l'eau de la mer. Il n'y a aucun poisson qui y puisse vivre : & quoy qu'il y ait deux rivieres qui y entrent, dont l'une est le Jourdain, neantmoins le poisson n'y entre pas, & remonte contre sa source.

La Grande Mer s'appelle la Mer Oceane, dans laquelle est le flux & reflux. Depuis l'Equateur du costé de deçà, on l'appelle la Mer du Nord, ou Athlantique. Au de lâ des terres de l'Amerique on l'appelle la Mer du Sud, ou la Mer Pacifique. Sous le Pole, on l'appelle la Mer Glaciale, ou la Mer Blanche, à cause de ses glaces ; vers la Suede & le Dannemarc, la Mer Baltique ; sur les costes de Bretagne, la Mer Britanique, qui estoit nommée par les Anciens, Ocean Ducaledonien.

La Mer Mediterannée est celle qui entre dans les terres, & qui divise l'Europe, l'Afrique, & l'Asie. On l'appelloit autrefois la Mer des Grecs ou la Grande Mer. On l'appelle Ligustique, & de Toscane, vers l'Italie ; Adriatique dans le Golfe de Venise ; Ionique & Aegée vers la Grece ; Mer de Marmora, ou Mer Blanche, parce qu'on tient qu'elle est fort seure entre l'Hellespont & le Bosphore, & au delà c'est la Mer Noire, parce que la navigation y est tres-dangereuse, ou Mer Majour, que les Anciens ont appellée Pont-Euxin. Les Arabes appellent la Mer Mediterannée, le pot de chambre, à cause, disent-ils, de sa figure.

La Mer Caspienne est une autre Mer dans l'Asie vers l'Hyrcanie, qui recoit plusieurs grands fleuves sans avoir aucune communication apparente avec les autres Mers. On l'appelle aujourdhuy Mer de Bachu, ou de Sala. La Mer Caspie a 200. lieuës d'Allemagne de l'Est à l'Oüest, selon Jean Kinson. Mais Olearius dit qu'il n'y a que la moitié de cette distance. D'autres la mettent de 800. mille de long, & de 600. de large. C'est l'opinion de Scherif Alderisi, cité jusqu'à present sous le nom de Geographe de Nubie.

La Mer Rouge, autrement Arabique ou vermeille, est un Golphe de la Mer Oceane enfermé entre l'Arabie & l'Ethiopie. Les Anciens l'ont confonduë avec le Golphe Persique & la Mer des Indes, comme Pline, Mela, Herodote : car ils disent que l'Indus, le Tygre & l'Euphrate s'y dechargent. On l'appelle aussi Mer de la Mecque. Elle fut appellée autrefois Erithrée, à cause d'un ancien Roy d'Arabie, dit Erithras ; & parce que Erythrós en Grec signifie rouge. D'autres ont dit que c'est à cause de la couleur rouge de son arene, ou des marbres rouges qui sont aux roches voisines : ce qui n'est pas veritable. D'autres croyent que c'est à cause d'une certaine herbe rouge fort propre pour la teinture d'escarlatte, nommée sufo, qui se trouve dans son fond vers les costes d'Ethiopie. C'est ce qui l'a fait nommer par les Hebreux Bahar-suf ; bahar signifiant mer, & suf-rouge, par rapport à la couleur & au nom de cette herbe. St. Jerôme appelle dans sa Traduction la Mer Rouge, la Mer Souf, comme si souf & rouge vouloient dire la même chose. Cette herbe est une espece de gouesmon ou algue marine, qui se pourrit dans le fond de la Mer, dont il croist beaucoup en Ethiopie & aux Indes. Elle ressemble au saffran, aussi-bien que sa graine & sa fleur. Elle sert à teindre en rouge. Les voisins de cette Mer l'appellent aussi d'Elcossun & d'Ayala.

On appelle Port de Mer, les villes ou endroits où peuvent aborder les vaisseaux : Rades de mer, les endroits où les vaisseaux peuvent ancrer, & se tenir à l'abry : costes & rivages de la mer, toutes les terres qui sont le long de ses bords. En ce sens on dit, Boulogne sur la mer, Monstreuil sur la mer. Golphe, ou Ance de mer sont les lieux ou les rivages qui se courbent en arc : & Bras de mer, les endroits de la mer qui sont serrés entre le Continent & les Isles.

On appelle pleine mer & haute mer, celle qui est fort esloignée des rivages. On dit, Tirer à la mer, pour dire, S'esloigner des costes. Quand le flux arrive, on dit que la mer monte ; & on appelle basse mer, quand il s'en retourne. On dit que la mer est grosse, quand elle est couroucée, agitée des vents & de la tempeste. Et quand on dit, Temps de mer, c'est à dire, un orage. On dit que la mer est calme, quand il ne fait point de vent, quand les vaisseaux ne peuvent avancer ; & alors on dit qu'il n'y a point de mer ; & que la mer n'est pas navigable, quand il y a des vents contraires qui regnent, comme dans l'Inde. Il y a six mois qu'elle n'est pas navigable pour retourner en Europe, il faut attendre la monson. On appelle coups de mer, les violentes agitations des flots, des l'ames, ou des houles. On dit encore, qu'on ne peut plus tenir la mer, lorsque le vaisseau est desagrée, & qu'il ne peut plus resister à l'orage.

On appelle un homme de mer, un Pilote, ou un Capitaine de vaisseau qui entend bien la Marine, qui sçait bien conduire un vaisseau, & commander sur mer : un Escumeur de mer, un Pirate, ou Corsaire qui court les mers pour voler les Marchands, sans pouvoir ou commission d'aucun Prince. On appelle Maistre de la Mer, un Prince qui couvre la Mer de vaisseaux, qui est le plus fort sur mer ; & l'on dit qu'il tient la mer en ce sens. On dit que Xerxés a autrefois foüetté la Mer. Aujourdhuy les Venitiens épousent la Mer en grande ceremonie. On appelle, Mettre en mer, Monter sur mer, quand on s'embarque, quand on fait partir les vaisseaux, quand on les pousse de dessus le chantier à la mer. On dit aussi, Aller à la mer, quand on va en course, qu'il faut aller à la mer, quand on a esté mordu de quelque beste enragée.

On appelle chien de mer, tortuë de mer, oiseaux de mer, des especes de ces animaux qui vivent dans la Mer, ou sur les bords. Du poisson de mer, des chastaignes de mer, coquilles & raretés de la mer. Verd de mer est un verd un peu foncé, qui imite la couleur de la mer veuë de loin. On appelle de l'outre mer, de l'azur fait de lapis broyé qui vient d'Orient. La Mer d'airain du Temple de Salomon.

MER, se dit figurément des choses spirituelles & morales. Qui voudroit sonder la profondeur des mysteres de la Foy ? C'est une mer où l'esprit se perd. Nostre vie est une mer orageuse, sans cesse agitée par les passions.

MER, se dit aussi de ce qui est vaste & de grande estenduë. L'Encyclopedie est une mer dont on ne peut voir le bout. La chicane est une mer, un abysme, un gouffre d'argent. La Mer des Histoires. Estoile de la Mer, se dit figurément de la Vierge marie. Au propre, c'est l'estoile de Venus, ou l'estoile du Pole.

MER, se dit proverbialement en ces phrases. On dit qu'on porte de l'eau à la Mer, quand on porte quelque chose en un lieu où il y en a desjà grande abondance. On dit en ce sens, C'est une goutte d'eau dans la Mer, pour dire, Ce que vous y apportez n'y parroistra rien. On dit aussi, C'est la Mer à boire, c'est vouloir épuiser la mer, pour dire, C'est une chose impossible à faire, dont on ne peut jamais voir la fin. On dit aussi, qu'une sauce est salée comme mer, pour dire, qu'elle est trop salée. On dit aussi, qu'on a cherché quelqu'un par mer & par terre, pour dire, qu'on l'a cherché en divers endroits. On dit d'un homme qui mange beaucoup, qu'il avaleroit la mer & les poissons.