s. f. Maladie contagieuse qu'on appelle autrement ladrerie, dont les Juifs & les Orientaux ont esté fort affligez autrefois. Galien la definit, une effusion de sang trouble & grossier qui corrompt toute l'habitude du corps. Avicenne l'appelle une maladie universelle ou chancre universel. Les Grecs l'appellent elephantiasis, parce que les malades ont leur peau aspre, ridée & inégale comme les élephants. La lepre commence au dedans long-temps auparavant que de paroistre au dehors. Elle estoit encore fort commune en Europe dans les X. & XI. Siecles ; mais elle est maintenant presque tout à fait esteinte. Naamam fut couvert de Lepre.

On avoit autrefois bien de la peine à connoistre la lepre dont voicy les signes. Elle rend la voix enroüée comme celle d'un chien qui a long-temps aboyé, & cette voix sort par le nez plustost que par la bouche. Le poux du malade est petit & pesant, lent & engagé. Son sang est plein de petits corps blancs & luisans semblables à des grains de millet, qui s'en separent & demeurent sur le blanchet aprés qu'il a esté lavé & philtré. Il n'a qu'une serosité scabieuse & despouillée de son humidité naturelle ; de sorte que le sel qu'on y met ne se peut dissoudre. Il est si sec, que le vinaigre qu'on y verse bouillonne ; & est si fortement lié par des filets imperceptibles, que le plomb calciné qu'on y jette y surnage facilement. Son urine est cruë, tenuë, cendrée & trouble. Son sediment comme de la farine meslée de son. Son visage ressemble à un charbon demy esteint, onctueux, luisant & enflé, semé de boutons fort durs, dont la base est verte, & la pointe blanche ; & en general, il donne de l'horreur. Ses poils sont courts, herissez & deliez, & on ne les peut arracher qu'avec un peu de la chair pourrie qui les a nourris. S'ils renaissent à la teste ou au menton, ils sont toûjours blonds. Son front forme divers plis, qui s'estendent d'une temple à l'autre. Ses yeux sont rouges & enflammez, & esclairent comme ceux d'un chat. Ils s'avancent en dehors, mais ils ne peuvent se mouvoir à droit & à gauche. Ses oreilles sont enflées & rouges, mangées d'ulceres vers la base, & environnées de petites glandes. Son nez s'enfonce, à cause que le cartilage se pourrit. Ses narines sont ouvertes, & les conduits serrés avec quelques ulceres au fonds. Sa langue est seche & noire, enflée, ulcerée & raccourcie, couppée de sillons, & semée de grains blancs. Toute sa peau est couverte ou d'ulceres qui s'amortissent & reverdissent les uns sur les autres, ou de tâches blanches, ou d'escailles comme le poisson. Elle est inégale, rude & insensible, soit qu'on la pense, soit qu'on la couppe ; & au lieu de sang, elle ne rend qu'une liqueur sanieuse ; & souvent on l'arrouse d'eau sans la pouvoir mouiller. Il vient à ce degré d'insensibilité, qu'on luy perce avec une aiguille le poignet & les pieds, même le gros tendon qui est le plus sensible, sans qu'il souffre de douleur. Enfin le nez, les doits des mains, & des pieds, & mêmes ses membres, se destachent tous entiers, & par une mort qui est particuliere à chacun d'eux, ils previennent celle du malade. On tient que ceux qui ont la lepre ont une si estrange chaleur dans le corps, qu'aprés avoir tenu un pomme fraische une heure dans la main, elle devient aussi seche & ridée que si elle avoit esté huit jours au Soleil. Ces remarques curieuses sur lesquelles on s'est un peu estendu à cause de la rareté de la maladie, sont tirées de Galien, de Pontanus, Arnaud de Villeneuve, Gordonius, Aretus, Zachias, Paul Aeginete, Varandaeus, Cardan, Ambroise Paré & autres qui en ont escrit. Aux Indes on ne fait point de cas des hommes qui sont blancs ; car chez eux c'est une marque de la lepre, qui y est assez commune.