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TRUAND, ANDE. adj. Mendiant valide qui demande l'aumosne, & qui aime la faineantise, qui fait un mestier de gueuser. Ce mot est fort ancien. L'Abbé Guibert en son Histoire de Jerusalem represente la vie & les gestes des gueux & truands qui suivirent l'armée croisée, qu'il nomme Trudents. Leur Capitaine fut un Chevalier de Normandie qui se fit nommer le Roy Thafur ; & il remarque que ces gens firent grand peur aux Sarrasins, qui craignoient fort de tomber entre leurs mains, parce qu'ils étoient anthropophages. Cette Royauté a toûjours continué depuis ; & à present les gueux de France nomment leur Roy, le Grand Cosroé & le Roy de Thunes, comme on voit dans le jargon de l'Argot. Pasquier, & Menage & Du Cange aprés luy, pretendent que le nom de truand vient d'un vieux mot Gaulois treu ou trud, qui signifioit tribut, dont la pesanteur, disent-ils, avoit reduit ces gens à la mendicité. Mais ils se trompent, parce que ce nom est bien plus ancien ; car les tailles ne furent imposées que du temps de St. Louïs ; outre que leur libertinage les rendoit exempts de toutes impositions. C'est pourquoy d'autres disent qu'il vient de molae trusatiles, qui signifient les moulins à bras, qui étoient tournez par des gueux & des miserables avant l'invention des autres dont on se sert. D'autres croyent que ce nom vient d'un oiseau de marais qui a le pied d'oye, & la taille d'un cygne, que les Latins appellent truo, & les Grecs onokrotale, parce que cet oiseau a une bourse tenant à la partie inferieure du bec, qui descend en poche ou besace, où il ramasse toutes les bribes qu'il trouve pour les retirer & manger à loisir : ce qui a fait qu'on a nommé truands, les gueux qui font la même chose. Borel dit que ce mot signifioit autrefois gens de pied, & des gens malpropres & sales, comme qui diroit des Tripiers, qui ont donné le nom à la ruë de la Truanderie à Paris, où demeuroient les Tripiers. D'autres derivent ce mot de l'Alleman thurtit, qui signifie gueux, comme dit Lipse. Boxhornius croit que truand est un vieux mot Breton qui signifie miserable. Bovillus dit qu'il vient de trua, qu'il dit estre un vaisseau ou utencile de cuisine qui sert à verser de l'eau, à cause que les truands aiment fort à frequenter la cuisine. D'autres le derivent de trufa, qui signifie fraude, parce que ces gens-là sont larrons & filoux. Du Cange dit qu'on les a appellez dans la basse Latinité trutanus, trudanus, trutanicus, & trudennes. Ce mot pourroit venir aussi de truillon, qui en langage Celtique ou Bas-Breton signifie guenille.

On appelle truands en Espagne, les Bouffons, Basteleurs, joüeurs de gibeciere, & faiseurs de tours de passepasse.

Il y quelques Coustumes qui font mention d'un cens truand, dormant, ou mort, c'est à dire, qui ne porte aucun profit, ni droits seigneuriaux, qui n'est qu'une espece de rente roturiere. D'autres croyent que les cens truands sont des cens à queste, dont il est parlé dans la Coustume de Blois & de Soesme, c'est à dire, que le Seigneur est obligé d'en envoyer faire la collecte ; & ces Collecteurs s'appellent Treuens. Il y a un vieux proverbe cité dans l'Indice de Ragueau, qui dit, Qui fit Normand, il fit truand : ce qui vient, à ce que dit Pasquier, de ce que les Normands ont été les plus chargez de trus, qui en vieux Gaulois signifioit imposts.