s. f. Poisson testacée qui vit sur la terre & dans l'eau, & dont le mouvement est fort lent. Tortuë de mer, tortuë terrestre. Il y a aussi des tortuës de riviere & de marescage. Au Cap Verd il y en a quantité, & les lepreux de Portugal en vont manger de la chair, & se baigner dans leur sang pour recevoir guerison. Dans les mois de Juin, Juillet & d'Aoust il en arrive quantité de la Terre Ferme. Elles pondent plus de 1500. oeufs gros comme ceux des poules, ou une noix, & ils sont sans coques. Elles les couvrent de certaines écorces fort deliées, & puis de sable, & le Soleil les fait éclorre par sa chaleur, puis elles s'en vont à la mer. On les prend quand elles viennent à terrir, c'est à dire, pondre leurs oeufs à terre. Elles ont la vie si dure, que les Insulaires des Maldives les ayant prises, les mettent auprés du feu, par le moyen duquel ils en tirent l'escaille, & ils les remettent toutes vives dans la mer, où elles refont une autre escaille : & pour cela il étoit deffendu de les tuër. F. Peyrard. Il y en a d'aussi larges qu'une rondache à mettre un homme à couvert. Une seule est capable de nourrir quelque temps une grande famille. Leur chair est aussi bonne que celle d'une jeune vache. Elles sont quelquefois si grasses, qu'on peut tirer de chacune une bonne barrique de graisse qui vaut du beurre, qui est de tres-bon goust, & qui se conserve fort bien. Elles ne font qu'une seule ponte, qu'elles couvrent de sable, en telle sorte qu'il est difficile d'en reconnoistre l'endroit, & puis s'en retournent à l'eau à reculons, pour oster la connoissance de leur piste, & ne reviennent à terre que l'année d'aprés, laissant le soin au Soleil de faire esclorre leurs oeufs : ce qui arrive au bout de quarente jours, auquel temps elles sont grandes comme un escu, & percent le sable, & gagnent la mer à la file à la maniere des fourmis. On l'appelle en Latin testudo.

On a fait à l'Academie Royale l'anatomie d'une tortuë des Indes qui fut prise aux costes de Coromandel. Elle avoit quatre pieds & demi de long, y compris sa queuë, & quatorze pouces d'espaisseur, & son écaille trois pieds de long sur deux de large. Celle-cy étoit terrestre : mais Pline & Elian parlent de certaines tortuës de mer qui avoient quinze coudées, & qui suffisoient à couvrir une cabane capable de loger plusieurs personnes. Son écaille & tout l'animal étoit d'un gris fort brun. Le dessus étoit composé de plusieurs pieces qui faisoient plusieurs figures, la plus-part pentagones, posées & colées sur un os, qui en maniere d'un crane enfermoit les entrailles de l'animal. Cet os avoit une ligne & demie à l'endroit le plus mince, & jusqu'à un pouce & demi au plus espais. Il est ordinairement double, y en ayant un sur le dos, & l'autre sous le ventre, qui sont joints par les costez, & attachez par des ligaments fort durs, mais qui laissent la liberté à quelque mouvement. Il y a une ouverture par devant qui laisse sortir la teste, les espaules & les bras, & une autre opposée par où sortent les jambes & la queuë, à la maniere que les rames sortoient des galeres des Anciens, qui étoient maniées avec grande incommodité. Elian dit que les tortuës se despouillent d'elles-mêmes de leur écaille, c'est à dire, de ces pieces qui sont appliquées sur l'os ; car il n'y a point d'apparence qu'elles quittent l'os même auquel toutes ses principales parties sont attachées. Cela arrive, lors que l'écaille a été long-temps gardée, ou lors qu'on met l'os sur le feu. Le dessous du ventre est un peu creux : ce qui est particulier aux masles. Tout ce qui sort hors l'écaille est couvert d'une peau large & plissée par de grandes rides, & grenuë comme du marroquin, qui n'entre point sous l'écaille, & demeure attachée au bord de chacune des ouvertures. La teste de la tortuë est couverte d'une peau mince ressemblant en quelque façon à la teste d'un serpent. Elle n'a point d'ouvertures pour les oreilles, non plus que le cameleon. Ses narines sont ouvertes au bout du museau d'une maniere ridicule. Ses yeux sont petits & hideux, & n'ont qu'une paupiere qui les ferme. Ses levres sont couppées à la maniere d'une scie, dont la peau est dure comme de la corne, qui couvre deux rangs de veritables dents, quoy que Pline assûre qu'elle n'a ni dents ni langue. Ses pattes de devant ont cinq doigts, ou plustost cinq ongles ; car ces pattes sont seulement une masse de chair ronde, d'où les ongles sortent. Les pattes de derriere n'en ont que quatre. Sa queuë est grosse au commencement, & a six pouces de diametre, & finit en une pointe semblable à un ergot qui est au pied des coqs. Aristote dit que c'est l'animal qui a plus de force aux mâchoires ; car elle couppe tout ce qu'elle prend, jusqu'aux caillous les plus durs. Sa vessie est d'une grandeur extraordinaire, car on y a trouvé plus de douze livres d'urine claire. Les tortuës marines des Antilles qui ont la teste grosse comme un veau, n'ont pas le cerveau plus gros qu'une feve. La chair de la tortuë est semblable à celle de mouton.

On fait plusieurs ouvrages en Europe de l'écaille des tortuës, des peignes, des estuis, des tables, des buffets. Les potages de tortuës sont excellents.

TORTUË, en termes de Mer, est un vaisseau qui a le pont élevé, comme un toit de maison, pour tenir les soldats ou les passagers & leurs hardes à couvert. On l'appelle aussi poste.

Faire la tortuë. C'étoit une maniere d'escalade chez les Anciens, qui se faisoit, quand les soldats se serroient & mettoient leurs boucliers sur le dos les uns des autres, qui faisoient comme une échelle à leurs compagnons pour monter sur des murailles. Les Anciens attribuoient l'invention de cette tortuë à Artemon fils de Clasomene.

TORTUË, étoit aussi une espece de machine dont les Anciens se servoient pour miner & pour battre les places. C'étoit un couvert de bois roulant sur des rouës, qui servoit à couvrir les travailleurs. Menage tient que ce mot vient de tarda eruca, comme qui diroit un limas qui marche lentement ; car eruca signifie toute sorte de chenilles, de loches & de limas.

On dit proverbialement, qu'un homme marche à pas de tortuë, pour dire, qu'il va lentement, qu'il fait ses affaires avec negligence.