subst. fem. signe, caractere particulier qui vient de naissance, ou de nature, qui fait reconnoistre une chose, & la distinguer d'une autre semblable. Cet enfant ne sera pas changé en nourrice, il a un signe, une marque sur le dos, sur la cuisse, d'une olive, d'un raisin, &c. On m'a volé un cheval qui a une marque blanche au front. Je le reconnoistrois entre mille autres. Les Medecins, les Physionomistes jugent par plusieurs marques du temperament & des moeurs d'une personne.

MARQUE, est encore un signe naturel qui fait connoistre la qualité bonne ou mauvaise d'une chose, qui en fait distinguer l'espece. C'est une bonne marque à un cheval, quand il trepigne, quand il bat du pied, quand il mange avidement son avoine. Quand un enfant est éveillé, semeillant, c'est une marque qu'il aura de l'esprit & du coeur. Cet homme vous a receu froidement, vous a regardé de travers, c'est une marque qu'il vous en veut. L'Ecriture dit que quand le Ciel est rouge le soir c'est une marque de beau temps pour le lendemain. La fumée est une marque qu'il y a du feu. Le menu grain est une marque de la bonté de l'acier.

MARQUE, se dit aussi figurément en ce sens en choses morales. L'opiniatreté dans le vice est une marque de reprobation. L'admiration perpetuelle, est une marque d'ignorance. Je ne puis douter de son amitié. Il m'en a donné trop de marques. On dit aussi à un Envoyé, ou à une autre personne dont la fidelité est douteuse, Donnez moy des marques, des enseignes de vostre mission, de ce que vous estes.

MARQUE, est aussi la trace, l'impression que laisse un corps, quand il a passé sur un autre, soit par son poids, soit par sa viscosité, ou par sa malignité. Les rouës qui passent sur la terre, sur les neiges, y laissent des ornieres, des marques de leur passage. L'huile, la poix laissent des marques, des taches sur les estoffes. La petite verole laisse souvent de ses marques, des creux, des coûtures sur le visage. Ce brave a esté souvent aux coups, il en porte encore les glorieuses marques. Cet homme est apparemment coupable de ce crime, une marque de cela c'est qu'il rougit, c'est qu'il se trouble, quand on luy en parle. La guerre a esté en ce pays-là, on en voit encore les funestes marques.

MARQUE, se dit aussi des signes artificiels qui viennent de l'institution des hommes, & premierement des grands monuments de l'antiquité. Les Pyramides d'Egipte, les Cirques, les Amphitheatres sont des marques de la grandeur des anciens Rois d'Egipte, de la Republique Romaine.

MARQUE, se dit aussi des habits, des ornements, ou autres choses qui distinguent les personnes, qui font connoistre leur dignité. En Espagne la marque du Grandat, c'est de se couvrir devant le Roy. Les Armoiries sont des marques qui font connoistre la maison, la dignité de ceux qui les portent. On les donnoit autrefois pour des marques de bravoure, en memoire de quelque action signalée. Tous les Ordres de Chevalerie ont chacun des marques qui les distinguent. La croix de Malthe, du Saint Esprit, le Cordon bleu, la Jartiere. Dans le Blason on apprend à connoistre toutes ces marques de dignité, comme chapeaux, mitres, couronnes, crosses, croix, colliers, &c. Voyez tous ces mots à leurs ordres & à celuy de Dignité.

MARQUE, signifie encore, Consideration, distinction. C'est-là un homme de marque, une Dame de marque : Ce qui se dit tant pour l'élevation de la dignité, que par celle du merite.

MARQUE, se dit aussi d'un caractere qui s'imprime par autorité publique sur plusieurs choses, soit pour y lever quelques droits, soit pour la police. On met une marque sur la vaisselle d'or & d'argent, tant du poinçon du Maistre qui l'a faite, que du poinçon de la ville ou communauté, pour en marquer le titre & la bonté. La marque de la monnoye est l'image du Prince, & de son autorité, c'est la marque qui luy donne du cours dans le commerce. Le papier porte la marque de la papeterie où il a esté fabriqué. On met des marques au papier timbré, sur les tonneaux dans les caves, sur les chaises qui vont sur la place, sur les jeux de carte, sur les estoffes ; pour la conservation des droits qu'ils peuvent devoir. Chaque Marchand met sa marque sur sa marchandise. La marque d'un Libraire, c'est une image qu'il met au dessous du titre d'un livre en la premiere page. Un Fermier des monnoyes ou un Graveur, quand ils sont receus, sont obligez de declarer par un acte authentique la marque dont ils se veulent servir, & il en est fait registre à la Cour des Monnoyes, & ils ne la peuvent changer sans permission.

MARQUE, est aussi le poinçon qui fait l'empreinte sur ce qu'on veut marquer, reconnoistre. Il y a une marque à la ville qu'on empreint sur les boisseaux, sur les mesures, sur les poids qui sont estallonnez. Chaque Marchand orfevre ou Potier d'estein doit avoir son poinçon, sa marque particuliere, dont il doit laisser une empreinte au Greffe de la Police. Les Commis des Bureaux ont des marques, dont ils font des empreintes sur les marchandises qui ont payé les droits.

MARQUE, est aussi un caractere particulier, un signe que chacun fait à sa fantaisie, pour distinguer une chose de l'autre, pour la reconnoistre. Quand un homme ne sçait pas signer, on luy fait faire sa marque. Les Marchands ont des marques particulieres pour reconnoistre leurs balots, pour reconnoistre leur bois qu'ils font flotter à bois perdu. Les Bouchers ont une marque pour marquer leurs bestiaux dans les marchez. Les bourgeois font mettre leur marque à leur vaisselle, pour la pouvoir reclamer, si elle est volée.

MARQUE, se dit particulierement au jeu des jettons, des fiches, ou autres choses semblables, qui servent de monnoye pour mettre au jeu, ou pour marquer les points, ou les parties qu'on gagne. J'ay perdu 100. ou 200. marques. Les marques valent plus ou moins, selon qu'on veut joüer gros ou petit jeu. On appelle chez les Chanoines mereaux, les marques d'assistance à l'Office, qu'on leur donne journellement pour en compter à la fin de l'année.

On appelle aussi marques, les coups d'ongles, les traits de plume, ou de crayon, les oreilles qu'on fait dans un Livre où on a observé quelque chose de notable, ou le lieu où on en est demeuré en le lisant.

On appelle des Lettres de marque, des lettres de represailles. On accorde en connoissance de cause des lettres de represailles, de marque & d'arrest. On dit aussi, que l'estranger sur lequel on saisit en vertu de ces lettres, est pris pour marque. Voyez Chopin & Bouchel. Ces lettres ne s'accordoient que par le Roy, ou par le Pariement ; & il fut ordonné en l'an 1443. que ces lettres ne seroient accordées qu'à ceux à qui le Prince estranger avoit refusé la justice par trois fois. Ce mot vient de ce que c'est jus concessum in alterius Principis marchas seu limites transeundi, sibique jus faciendi.