subst. masc. Ce qui sert à prendre, à manier, ou à se servir de quelque chose. Le manche d'une esclanche, d'une espaule de mouton, de veau. Le manche d'un ballay, d'un houssoir. Le manche d'une pelle, d'un marteau, d'une coignée, d'une faux. Les Turcs font les manches de leurs couteaux, de leurs cimeterres, de Jade, d'Agathe, &c. Ce mot est derivé du Latin manubrium. On disoit aussi autrefois mange, ou plustost ce mot vient de ce qu'on le manie avec la main.

On appelle manche de la charruë, la partie que tient le laboureur, & qui sert à la gouverner. Le Seigneur dit que quand on a mis, la main au manche de la charruë, il ne faut point regarder derriere, pour dire, que quand on veut travailler à son salut, il ne faut point tourner la veuë vers le monde.

MANCHE, se dit aussi de la partie des instruments de Musique où sont les touches qui font varier les tons. Il s'estend jusqu'au lieu où sont attachées les chevilles qui bandent les cordes. Le manche d'un luth a neuf touches ou divisions, qui sont marquées avec des cordes de Boyau. Le moyen de faire entendre la musique à un sourd, c'est de luy faire mordre le manche de l'instrument dont on jouë.

Il y a de certains oiseaux que les Pilotes appellent manches de velours, qu'on trouve vers le Cap de Bonne Esperance, qui ont les bouts des ailes noirs, & le reste du corps blanc, qui vont par bande flottant sur l'eau, & qui se nourrissent de poissons.

MANCHE, se dit proverbialement en ces phrases au premier sens. On dit qu'un homme à la conscience large comme la manche d'un Cordelier, pour dire, qu'il n'est point scrupuleux. On dit aussi, qu'un homme mettroit volontiers un autre dans sa manche, pour dire, qu'il voudroit l'asservir, l'assujettir à tout ce qu'il lui plairoit. On dit aussi, qu'un homme tient un arrêt dans sa manche, pour dire, qu'il en est seur, qu'il a les Juges dans sa manche, pour dire, qu'il les gouverne, qu'il dispose de leurs suffrages. On dit aussi, qu'il a mis une chose dans sa manche, pour dire, qu'il s'en est saisi, qu'il s'en est emparé. On dit aussi à ceux qui font quelque nouvelle proposition. C'est une autre paire de manches. On dit encore, Cela estoit bon du temps qu'on se mouchoit sur la manche, pour dire, au temps Jadis, quand on n'estoit pas si raffiné qu'on est. Ce proverbe vient de ce qu'autrefois on mettoit un mouchoir sur sa manche pour se moucher. Il en est resté une marque dans cet ornement Ecclesiastique, qu'en Latin on appelle manipule, en François fanon, & en terme de blason d'extrochere, ce qui estoit un vray mouchoir, que portoient les Prestres autrefois sur la manche, pour essuyer les larmes qu'ils versoient en songeant aux pechez du peuple au temps de la consecration. La priere qu'ils disent encore en se revestant de cet ornement en rend tesmoignage : Merear portare, Domine, manipulum fletus & doloris.

Au second sens on dit, jetter le manche aprés la coignée pour dire, se despiter, abandonner une affaire, parce qu'elle ne reüssit pas d'abord. On dit aussi, qu'un homme bransle au manche, quand il est irresolu, quand il est tenté de changer de partie, de Religion, de desseins.