s. m. Nom de monnoye ancienne, qui a été de diverse valeur suivant les lieux & les temps. JESUS-CHRIST fut vendu trente deniers : ces deniers servirent depuis à acheter un champ. Le premier denier Romain étoit d'argent du poids juste d'une drachme, ayant d'un costé l'empreinte de Janus, & de l'autre la figure du vaisseau qui l'avoit porté en Italie. Originairement le denier chez les Romains valoit dix as ou quatre sesterces, dont chacun valoit deux livres & demie, d'où vient qu'il a été appellé denarius, & qu'on le marquoit avec un X.

Anciennement en France le denier se prenoit pour toute sorte de monnoye. Ainsi une piece monnoyée d'or estoit appellée denier d'or ; & si elle étoit d'argent, on l'appelloit denier d'argent, comme on a dit en Latin nummus aureus, & nummus argenteus. Il y a eu des deniers tournois & des deniers parisis, dont ceux-cy valoient un quart davantage, & étoient appellez monnoye Royale, ou forte monnoye ; & alors quand on disoit un denier à valeur d'or, ou un denier d'or, cela ne vouloit pas dire que le denier fust d'or, mais seulement qu'il estoit parisis ou forte monnoye, valant un quart plus que le tournois, parce que l'évaluation de l'or estoit alors plus forte que celle de l'argent, comme il a été jugé par plusieurs arrests. Il y a eu vers l'an 1308. des deniers d'or à la chaise valans 25. sols ; des deniers d'or à la masse valans 22. sols six deniers ; & des deniers d'or à la Reine valans 16. s. 8. d. &c. Ils ont été souvent nommez florins. Il y a eu aussi des deniers & sous Viennois, Lonisiens, Donisiens, Tolosains, Mansois, blancs, forts, nerets, Bourdelois, Barois, &c. qui ont changé de valeur suivant les temps & les lieux où ils ont esté fabriquez. Il y a eu des deniers blancs en l'an 1348. appellez gros, qui valoient quinze deniers. Les deniers mansois valoient le double des Normands : d'où vient qu'on a dit qu'un Manseau valoit un Normand & demi. En general le denier a signifié la douziéme partie d'un sou appellé solidus, non pas en la signification où nous le prenons maintenant, mais comme signifiant un tout ou une chose entiere qu'on divisoit en douze parties, de la même maniere que l'as des Romains signifioit un heritage entier.

DENIER, en France se dit maintenant d'une petite monnoye de cuivre qui vaut la moitié d'un double. On a décrié les doubles, ils ne valent plus qu'un denier. Un douzain ou un sou vaut douze deniers ; un blanc cinq deniers ; un carolus dix deniers. Je n'ay ni denier, ni maille, pour dire, je n'ay point du tout d'argent. Ce mot, selon quelques-uns, vient de aeneus, parce que les deniers sont de cuivre. Mais Bouterouë dit que le mot de denier a esté dit, parce qu'il valoit dix as, sur ce que Polybe dit qu'on donnoit une mine ou livre d'or pour dix d'argent, & qu'il y a apparence que ce fut en ce temps-là que le nummus aurgus fut nommé denier, puis qu'il valoit dix deniers d'argent, comme on appella celuy-cy denier d'argent, à cause qu'il valoit dix deniers de cuivre ou as. Ainsi la taille du denier d'or estoit alors de 40. à la livre. Voyez dans cet Auteur des tables des divisions de la livre Romaine, de l'as Romain, des deniers d'argent, & des deniers de cuivre. Le nom de denier François a esté donné à nos especes à l'imitation des Romains, qui l'avoient donné à leurs premieres monnoyes d'argent qui furent fabriquées l'an 485. de la fondation de Rome sous le Consulat de Fabius, selon le témoignage de Pline.

DENIER, signifie aussi argent en general, en quelque espece ou monnoye qu'il soit. C'est un homme qui sçait bien faire valoir son denier, c'est à dire son argent. Cet avare aime le denier. Son denier est bien, est assûré sur cette terre. On dit aussi les deniers dotaux, l'argent qu'apporte une femme en mariage. On appelle deniers oisifs, l'argent qui ne porte point d'interest. Un Tuteur paye l'interest des deniers oisifs. Deniers d'octroy, sont ceux que le Roy permet aux villes de lever sur elles-mêmes. Des deniers clairs & liquides, sont les sommes qu'on peut recevoir quand on veut, & sans contestation. Ceux qui reçoivent les deniers publics sont sujets aux recherches de leurs malversations. Le Roy tire un grand denier de la taille. On contraint par corps dans la levée des deniers royaux. Les offres reelles se font en deniers à descouvert ; les payements en deniers ou quittances. Il faut faire mention que cette terre a esté achetée de mes deniers, afin d'y conserver une hypotheque privilegiée. On dit aussi, les deniers revenants bons, de ceux qu'on retire, toutes charges faites. Faire bon les deniers, c'est, Garentir la somme. Deniers d'entrée, sont ceux qu'on avance en entrant dans une ferme. Francs deniers, c'est à dire, exempts de toutes deductions. En la Coustume de Meaux, si on ne vend un heritage deniers francs au vendeur, c'est luy qui est tenu des laods & ventes. On appelle chez le Roy, le Maistre de la Chambre aux deniers, celuy qui preside au Bureau où se donne l'ordre de la dépense de la Maison du Roy.

DENIER, est aussi un certain pied sur lequel on est obligé de payer une grosse somme. Ce Partisan a six deniers dans la Ferme des Aides ; il doit partager le gain ou la perte à proportion. Les laods & ventes se payent à Paris à raison de vingt deniers pour livre. Un denier de cens emporte profit de laods & ventes. On a levé en Hollande plusieurs fois le deux-centiéme denier du bien des particuliers. L'Amiral a le dixiéme denier de toutes les prises. On a taxé les detenteurs des biens alienez de l'Eglise au huitiéme denier.

DENIER, se dit aussi du taux du Roy, ou du prix de l'argent qui court à l'interest. Le Roy a fixé les rentes au denier 20. à la vingtiéme partie du principal. Il y a encore des rentes au denier 14. en Normandie. Les usuriers prestent leur argent au denier fort. Les Traittans en prennent au denier 8.

DENIER, en termes de Monnoyeurs & d'Orfevres, est le titre de l'argent, comme le carat est celuy de l'or. C'est un poids composé de 24. grains, qui marque les degrez de bonté ou perfection de l'argent. On le divise en demis, en quarts, & en huitiémes. L'argent fin est de 12. deniers, & l'or fin de 24. carats. On dit un denier de fin ou d'aloy. Il doit avoir en la monnoye dix deniers de fin du moins ; autrement elle passe pour billon. L'argent d'orfevrerie doit avoir onze deniers & douze grains de fin par l'Ordonnance de 1640. L'argent à ce titre est appellé argent le Roy, parce que le Roy accorde cette vingt-quatriéme partie de profit aux étrangers qui en apportent. On dit aussi dans les monnoyes, deniers de boiste & deniers courans. Les premiers sont les deniers qu'on apporte dans les boistes pour les faire juger, & en obtenir la delivrance. C'est une piece d'or qu'on prend sur 200. ou une piece d'argent qu'on prend sur 18. marcs, qu'on met dans une boiste pour servir au jugement de tout l'ouvrage. Les deniers courans sont les especes qui sont exposées dans le commerce, aprés que le Fermier a obtenu le jugement de delivrance.

DENIER, en matiere de poids, est la vingt-quatriéme partie de l'once, & la 192. du marc. Il pese 24. grains. Le gros pese trois deniers. En Medecine on l'appelle scrupule. L'escu blanc doit peser tant de deniers tresbuchants.

On appelle denier de monnoyage, une espece telle qu'elle soit, fabriquée à la Monnoye : comme un escu d'or est un denier de monnoyage d'escu, & ainsi des autres.

On appelle en Angleterre, le denier de St. Pierre, une imposition d'un denier sur chaque maison pour estre payé au Pape par forme d'offrande ou de redevance, ou d'aumosne, qui fut estably en l'an 740. par le Roy Ina, comme on voit dans Polydore Virgile & dans Spelmannus. On l'appelle encore à present Rome-peny ou Romescoth. Baronius rapporte que Charlemagne en avoit imposé un pareil sur chaque maison de son Royaume, comme témoigne le Pape Gregoire. On en establit aussi un en Pologne en l'an 1320. sur chaque teste d'homme, & pareillement en Boheme. Voyez Du Cange.

On dit proverbialement, qu'un homme vendroit un autre à beaux deniers comptans, pour dire, qu'il est bien plus fin que luy. On dit aussi, qu'on donne le denier à Dieu d'un marché, pour témoignage qu'un marché est conclu : c'est une petite piece d'argent destinée ordinairement à faire une aumône, que donne celuy qui achete, ou qui louë, à son vendeur, ou à celuy qui luy louë sa maison. On dit aussi d'un valet musard, qui s'arreste souvent en chemin, qu'il n'y a point d'huis qui ne luy doive un denier. On dit qu'une chose vaut mieux denier, qu'elle ne valoit maille, pour dire, Cela est beaucoup melioré. On dit aussi, Net comme un denier, non pas pour dire que le denier soit fort net ; car au contraire comme il passe par les mains du peuple, il est sale d'ordinaire : mais cela s'entend d'un compte qui est clair, liquide & exact, rendu jusqu'à un denier.