s. m. ABBESSE. s. f. Superieur ou Superieure d'une ABBAYE d'hommes ou de filles. Il y a trois sortes d'Abbez : Regulier, Seculier, Commendataire. L'Abbé differe du Prieur, en ce qu'il est mis au rang des Prelats, & officie pontificalement & avec des marques de dignité qui luy ont été accordées par les Papes au temps de la fondation du Monastere, ou par quelque privilege particulier, comme la mitre, la crosse. Ce mot vient de ce que les premiers Moines appellerent leur Superieur Ab-bot, qui en Langue Syriaque signifie Pere. Ainsi ces mots de Abba Pater, qu'on trouve dans les Epistres aux Romains & aux Galates, & ailleurs, qui semblent dire la même chose, ne font pas pourtant un pleonasme, comme dit St. Augustin, veu que l'un est un nom de nature, & l'autre de dignité. D'autres disent qu'il vient du mot Hebreu Aba, qui signifie aimer, vouloir du bien. Covarruvias. Dans la primitive Eglise on appelloit Coenobiarcha le Superieur d'un Monastere où les Religieux vivoient en commun ; & Archimandrita, celuy qui estoit reconnu pour Chef par des Hermites qui vivoient dans les deserts & dans les cavernes, à cause que le mot de mandra en Grec signifie caverne : tels estoient les premiers Peres de la Thebaïde.

Chez les Ecrivains Grecs & Latins on appelloit Abbez, ceux que nous appellons maintenant Peres, qui étoient venerables par leur âge & par leur sainteté. On a aussi compris sous ce nom generalement tous les Moines. Ainsi il est dit dans la Regle de St. Colomban, qu'il y avoit mille Abbez sous un Chef : & St. Epiphane fait mention d'un Monastere où il y avoit mille Abbez & mille cellules. On a appellé aussi Abbé second, le Prieur d'un Monastere, qui est le Lieutenant de l'Abbé. On a appellé aussi en Sicile des Evêques Abbez ; & tres-souvent les Curez primitifs de France. On a appellé aussi, Abbé du Palais, le Maistre de la Chapelle du Roy. Voyez Du Cange. Les Abbez mitrez sont ceux qui ont droit de porter les ornemens Episcopaux, comme la mitre, les sandales, les gants, l'anneau & la crosse : & pour les distinguer des Evêques, Clement IV. ordonna que les Abbez exempts porteroient des mitres brodées, mais sans pierreries & sans lames d'or & d'argent ; & les non-exempts des mitres blanches & toutes unies.

ABBÉ, s'est dit aussi de quelques Magistrats ou personnes laïques & seculieres. Chez les Gennois il y avoit un principal Magistrat qu'on appelloit Abbé du Peuple. En France il y a eu plusieurs Seigneurs, sur tout du temps de Charlemagne, à qui on donnoit le soin & la garde des Abbayes, qu'on appelloit Abbacomites.

Dans les anciens titres on trouve que les Ducs & les Comtes ont été appellez Abbez, & les Duchez & Comtez Abbayes. Et plusieurs Seigneurs & Gentilshommes qui n'étoient aucunement Religieux ont aussi pris ce nom, comme remarque Menage aprés Fauchet, & autres.

On appelle aussi Abbé, celuy qu'on élit en certaines Confrairies & Communautez, particulierement entre les Ecoliers & les Garçons Chirurgiens, pour commander aux autres pendant un certain temps. A Milan dans toutes les Communautez de marchands & d'artisans, il y en a de preposez qu'on appelle Abbez. Et c'est de là apparemment qu'est venu le jeu de l'Abbé, dont la regle est, que quand le premier a fait quelque chose, il faut que tous ceux qui le suivent fassent le semblable.

ABBÉ, se dit proverbialement en ces phrases. On vous attendra comme les Moines font l'Abbé, c'est à dire, en travaillant toûjours, en commençant toûjours à disner. On dit encore, Pour un Moine on ne laisse pas de faire un Abbé, pour dire, que l'opposition d'un particulier n'empêche pas la deliberation d'une Compagnie, ou la conclusion d'une affaire. On dit en proverbe Espagnol, Como canta el ABAD responde el Monazillo, pour dire, que les inferieurs tiennent le même langage, ou sont de même avis que les superieurs. On appelle aussi, Abbez de Ste. Esperance, ceux qui prennent la qualité d'Abbez sans avoir d'Abbaye, & quelquefois même de Benefice.