s. m. Ce qui est opposé à serieux, qui se fait par divertissement pour relâcher l'esprit, qui n'est pas fait tout de bon. Vous prenez ce que j'ay dit dans le serieux ; cependant je ne l'ay fait que par jeu, pour rire, sans dessein de vous offencer. il faut prendre le jeu par divertissement, & non par occupation. cet ouvrage n'est pas un travail, ce n'est qu'un jeu. cet homme n'entend point raillerie, il ne prend rien en jeu. Jeu vient de jocus, comme feu de focus. Menage. Du Cange dit que le mot de jeu de dez ne vient pas de jocus, mais de juis de Dieu, vieux mot François qui signifioit jugement de Dieu, parce qu'ils mettoient les jeux de hasard au nombre des jugemens de Dieu.

Les jeux sont differents suivant les âges. Jeux d'enfant, sont la toupie, le sabot, la fossette, & autres que Rabelais a descrit dans les jeux de Gargantua. On dit aussi, que c'est jeu d'enfant, quand on ne paye pas lors qu'on a perdu.

JEUX D'EXERCICE & d'adresse, sont les jeux des honnestes gens, comme la Paulme, le Mail, le Billard, la Boule, le Palet. La Justice n'approuve point les jeux de hasard, mais bien les jeux d'exercice.

JEUX DE HASARD, sont les jeux des faineants, des débauchez ou des avares, dont les principaux sont les cartes & les dez. Il ne faut point piper ni escamoter au jeu. l'argent du jeu ne profite gueres. Il tient jeu, c'est à dire, Il donne revanche. Il coupe jeu, Il sort du jeu dés qu'il a gagné.

On appelle Academies de jeu, les lieux publics où on donne à joüer à tous venants, où on tient plusieurs jeux, où il y a plusieurs tables de jeu.

JEUX DE CONVERSATIONS, qu'on appelle autrement petits jeux, sont des jeux moitié d'esprit, moitié d'action, qu'on invente pour divertir une compagnie galante de jeunes gens, comme celuy des fleurs, des proverbes, du gage touché, & beaucoup d'autres, dont Sorel a parlé en sa Maison des Jeux.

JEUX D'ESPRIT, sont les jeux des Dames, des Eschecs. Ces jeux sont tristes, resveurs & serieux ; & cependant divertissent beaucoup ceux qui joüent, & fort peu ceux qui les regardent.

On appelle aussi Jeux d'esprit, Certains jeux où l'on apprend quelque chose. Il y a un jeu de Chronologie qui est fait comme un jeu d'Oye, où on apprend en joüant les principales Epoques des temps. Desmarests a fait un jeu de Cartes pour apprendre l'Histoire de France. Buxerius a fait un jeu pour apprendre toutes les proprietez des nombres, qu'il appelle Rithmomachie.

JEUX D'ESPRIT, sont aussi des compositions agreables, qui sont faites plûtost pour divertir que pour instruire, comme le Combat des Rats & des Grenoüilles d'Homere, le Combat des Lettres de Lucien, la Guerre Grammaticale, la Nouvelle Allegorique, les Jeux de l'Inconnu du Comte de Cramail.

On le dit abusivement des Anagrammes, des Acrostiches, & autres travaux pedantesques, & des Turlupinades de plusieurs gens de la Cour.

On appelle aussi jeux de paroles, les allusions, les équivoques, & les pointes, qui ne consistent que dans les mots, sans aucune subtilité pour le sens.

JEU, se dit aussi du lieu où on jouë. un jeu de boule, de mail, de billard, de longue paume. On appelle absolument jeu de paume, un jeu de courte paume, jeu de dedans, celuy où il y a une galerie de deux costez, & une bosse vers la grille. Jeu quarré, celuy où il n'y a ni dedans ni bosse. Il y en a de couverts, & de decouverts.

On appelle aussi le jeu, une partie du jeu qui est vers la grille jusqu'au dernier. Il ne se fait point de chasse, si la balle ne va jusques à deux ou trois carreaux de la marque qui est du costé du jeu.

On dit aussi, que les parties se font de quatre ou de six jeux, dont chacun est composé de quatre coups qu'on gagne : qu'on a l'avantage des jeux, quand on a un jeu seulement sur son adversaire ; à deux de jeu, quand on en a autant l'un que l'autre.

JEU, se dit aussi de la chose qui sert à joüer. Un jeu d'Eschecs, de Dames, de Trou Madame, de quilles, & sur tout d'un jeu de cartes. Au jeu de cartes, & des dez, on appelle gros jeu, quand il y a beaucoup de points à compter ; & petit jeu, quand il y en a peu. Et on appelle le petit jeu des cartes, les 5. 4. 3. & 2. On dit qu'une carte fait le jeu, ou ruine le jeu quand elle est favorable ou mauvaise pour celuy qui jouë. On dit aussi, qu'un homme accuse son jeu, quand il declare combien il a de points. un autre dit que c'est son jeu, quand il en a autant. Et on dit qu'il a gagné à jeu decouvert, quand il estalle son jeu sur la table. On dit aussi, qu'un homme tient le jeu d'un autre, quand il jouë les cartes, & que c'est l'argent d'autruy qu'il jouë.

JEU, signifie aussi, l'argent qu'on jouë. Mettez au jeu. j'ay mis mon enjeu. La parole fait le jeu, se dit quand on jouë à credit. Il jouë beau jeu, gros jeu, c'est à dire, beaucoup d'argent. Il jouë jeu de garnison, pour dire, petit jeu. Il jouë bon jeu, bon argent.

JEU, se dit figurément de plusieurs choses par relation au jeu. On dit à la guerre, qu'un tel Capitaine commença le jeu, pour dire, qu'il commença l'attaque, la bataille : que le jeu fut fort sanglant, pour dire, qu'on y tua bien du monde : que le jeu de la mine, du fourneau, fit une grande bresche. On dit aussi, qu'un homme donne beau jeu à son ennemi, pour dire, luy donne des facilitez de l'attaquer, des occasions de le critiquer.

En Physique, on appelle jeux de la Nature, ces agreable diversitez que la Nature nous monstre en ses productions, sans qu'on en puisse decouvrir la cause, tant dans les mineraux, que vegetaux & animaux : comme les coquilles, fleurs, pierres, insectes, & autres qui font les raretez dont les curieux emplissent leurs cabinets.

En Morale, on donne le nom de jeu à plusieurs sortes d'actions. Vous joüez un jeu à vous perdre, à vous mettre à la Bastille, à vous faire roüer, à vous casser la teste. On dit, qu'un homme jouë bien son jeu, qu'il couvre bien son jeu, quand il est dissimulé, lors qu'il cache bien ses desseins : qu'il fait joüer le jeu par un autre, quand il agit par une tierce personne : que l'on connoist son jeu, pour dire, sa maniere d'agir, ses ruses, ses finesses. On dit aussi par maniere de menace, Vous verrez beau jeu, pour dire, Je vous en feray repentir.

En Jurisprudence, on appelle jeu, la collusion, l'intelligence qui est entre quelques parties au prejudice d'une autre. Cette intervention, ce devolut qui paroissent, sont des jeux joüez par la partie. sa cause est mauvaise, c'est son jeu de fuir, de chicaner, pour jouïr cependant.

En termes de Marine on appelle, Faire jeu parti, quand une des deux personnes qui ont part à un vaisseau, veut rompre la societé, & demande en jugement que le tout demeure à celuy qui fera la condition de l'autre meilleure, ou bien qu'on fasse estimer les parts. Ce mot vient de jus partium.

En Mechanique, on appelle jeu, une certaine ouverture convenable qui donne facilité de mouvoir les parties d'une machine, ou de toutes autres choses mobiles, comme d'une manivelle, d'une poulie, d'un ressort, d'une porte, d'une fenestre.

JEU, en termes de Charpenterie, se dit d'une piece de bois d'environ 13. pieds de long, & de 15. pouces de gros, où pose & tourne l'arbre d'un moulin à vent du costé de la teste où sont les volans.

En Escrime on appelle jeu, tant pour le fleuret que pour les hautes armes, la maniere de les manier, & d'en faire l'exercice. Son jeu est de se couvrir, de parer.

Chez les Maistres en fait d'armes, on appelle le jeu simple, celuy qui se fait avec vistesse sur une ligne, qui dans l'offensive doit avoir pour objet principal tout ce qui se peut entreprendre. En poussant ou passant d'un point à l'autre dans un seul temps à la partie la plus descouverte de l'ennemi en quelque sorte de gardes que ce soit. La deffensive simple consiste à parer & repousser les coups qui sont portez par l'ennemi.

Le Jeu composé dans l'offensive comprend toutes les inventions possibles pour tromper l'ennemi, en luy faisant descouvrir la partie qu'on a dessein de surprendre par finesse, ne l'ayant pû faire par la force, ni par la vistesse du jeu simple, dont les principaux moyens sont les feintes, les appels, les engagements & battements de l'espée, les demi-coups, &c. Et dans la deffensive, c'est de porter en parant.

Le Jeu coulant, est quand on gagne la mesure, en coulant ou traisnant le pied gauche aprés le droit contre celuy qui recule, ou qui pare, ou qui a une espée plus courte. Toutes sortes de feintes, engagements, battements & autres sortes de coups se peuvent pratiquer dans le jeu coulant contre ceux qui n'osent entrer en mesure.

On appelle le Jeu de la pointe de l'espée, quand on l'esleve au dessus de celle de l'ennemi, en baissant le poignet & le pommeau, soit en poussant, passant, faisant feinte ou appel, &c.

En termes de Musique on appelle un jeu de violes, de haut-bois, de musettes, les instruments qui font les quatre parties qui sont necessaires pour un concert. Un jeu d'orgues, la machine qui compose l'orgue, tant le grand buffet, que le positif. Les jeux de l'orgue sont des rangées de tuyaux qui font des tons differents, qui sont quelquefois au nombre de 50. comme le prestant, le cromore, le bourdon, qui seront expliquez à leur ordre. Il y a aussi les jeux d'anche, les jeux bouchez, les pedales, &c. Le plein jeu est composé de l'assemblage de plusieurs autres.

JEU, se dit aussi de la maniere de toucher tant les orgues, que les autres instruments. l'un a un jeu triste, l'autre gay. Un tel a le jeu de Gautier pour le Luth, de Hotteman pour la viole, de Baptiste pour le violon, c'est à dire, il tâche dimiter ces Maistres de l'Art.

En Poësie on dit, que Venus a à sa suitte les jeux, les ris, les graces, les amours, pour dire, toutes les choses agreables. On appelle aussi les plaisirs de Venus, le jeux d'amourettes.

On appelle jeux de theatre, Certaines équivoques qui se font entre les Acteurs qui ne s'entendent pas, & qui donnent quelque plaisir aux spectateurs qui n'y font pas sur le champ reflexion, quoy qu'il n'y ait au fonds ni vrai-semblance ni solidité. Ces jeux de theatre ont esté autrefois plus en vogue qu'ils ne le sont à present.

On dit aussi, qu'un Comedien a le jeu beau, quand il a bonne mine, qu'il a le geste & l'action belle, la parole libre, enfin quand il jouë bien son rolle.

JEUX, en pluriel, se dit des spectacles, des representations publiques qui se faisoient chez les Anciens, comme les Jeux Olympiques, Pythiques, chez les Grecs ; les Jeux du Cirque chez les Romains. Homere & Virgile ont descrit des Jeux celebres, des combats de prix faits à l'honneur de Patrocle & d'Anchise.

Il y avoit un ancien decret du Senat de Rome, qui vouloit que les jeux publics fussent consacrez & unis avec le service divin. Ausone a observé cette difference entre les quatre Jeux celebres de la Grece, qu'il y en avoit deux dediés aux Dieux, & deux aux Heros. Les Auteurs anciens reconnoissent trois sortes de leurs Jeux, qu'ils nommoient courses, combats, & spectacles. Les premiers s'appelloient Ludi equestres, sive Curules, qui estoient des courses qui se faisoient dans le Cirque dedié au Soleil & à Neptune. Les seconds s'appelloient Agonales seu Gymnici, qui estoient les combats & les luttes, tant des hommes, que des bestes, qui se faisoient dans l'Amphitheatre dedié à Mars & à Diane. Les troisiémes s'appelloient Scenici, Poëtici, & Musici : c'estoient les Tragedies, Comedies, & Ballets, qui se representoient sur les theatres dediés à Venus, à Bacchus, à Apollon, & à Minerve. Tertullien, Clement d'Alexandrie, St. Cyprien, & St. Augustin ont escrit de ces Jeux aprés les Grecs.

En Espagne il y a encore des jeux de cannes & des courses de taureaux, qui sont des especes de jeux publics, comme estoient autrefois les joustes & les tournois. Constantin fut le premier qui deffendit les jeux sanglants de l'Amphitheatre aprés son Baptesme, comme Sozomene & Eusebe l'ont remarqué, & comme on voit au tiltre 12. du livre 15. du Code Theodosien.

En France on n'appelle jeux, que les Tragedies des Colleges, les jeux des prix d'arquebuse, & d'arbaleste, que font quelques corps de bourgeois ou de mestiers en plusieurs villes de France.

A Thoulouse on appelle Jeux Floraux, ceux où on donne des prix à ceux qui ont fait mieux des vers sur un sujet qu'on leur a donné. Leur nom vient de ce que les prix estoient des fleurs d'argent. Le premier estoit une esglantine, le second un soucy, & quelques autres fleurs par ordre.

JEU, se dit proverbialement en ces phrases. On dit, que les fautes sont faites pour le jeu, pour dire, qu'en toutes choses il y a des regles qu'il faut observer à la rigueur. On dit aussi, jeu de main, jeu de vilain, pour dire, qu'il ne faut point se divertir en frappant, ou en se mettant en danger de blesser. On dit aussi, On verra beau jeu si la corde ne rompt, par allusion aux Danseurs de corde, quand on promet de faire voir des choses extraordinaires. On dit aussi, Cela est plus fort que jeu, quand on offense, ou qu'on blesse quelqu'un, quand on croit simplement se divertir. On dit aussi, Faire bonne mine, & mauvais jeu, quand on dissimule, quand on cache le mauvais estat de ses affaires par une grande despense ou un témoignage exterieur de satisfaction. On dit aussi qu'on jouë à jeu seur, quand on a de bons gages, de bonnes seuretez des affaires qu'on entreprend. On dit aussi d'une affaire qui n'apporte gueres de profit, que le jeu ne vaut pas la chandelle. On dit aussi, A beau jeu, beau retour, quand on menace de rendre le change à celuy qui nous a fait quelque injure. On dit aussi, que deux hommes sont à deux de jeu, quand l'un a pris sa revanche de l'autre, lors qu'ils n'ont point d'avantage l'un sur l'autre. On appelle aussi jeux de Prince, ceux qui ne plaisent qu'à ceux qui les font, quand quelqu'un se met en danger pour leur donner du divertissement. On dit aussi, Tirer son épingle du jeu, lors qu'on se degage d'une affaire dont on a mauvaise opinion, qu'on en retire ce qu'on y a mis. On dit, C'est le vieux jeu, on n'en rit plus, à ceux qui apportent de vieilles pieces, qui font de vieux contes, qu'ils font passer pour nouveaux. On dit, qu'un homme qui est heureux au jeu, sera malheureux en femme, qu'il a sur luy de la corde de pendu. On dit aussi d'une chose perduë ou égarée ; Je ne sçay à quel jeu j'ay perdu cela. On le dit aussi de ceux qu'on avoit accoûtumé de voir, & qu'on ne voit plus. On dit de ce qu'on fait avec justice & raison, que c'est le droit du jeu. On dit aussi, qu'on met une personne en jeu, lors qu'on la cite, ou qu'on l'interesse dans une affaire.