v. act. Construire, faire quelque édifice. Il se dit tant de celuy qui fait la despence d'un bastiment, que du Maçon qui l'éleve, & de l'Architecte qui en a donné & conduit le dessein. Le Bramante a basti Saint Pierre de Rome. Salomon de Brosses a basti Luxembourg. Noé bastit son Arche par l'ordre de Dieu. ce Prince bastit beaucoup, fait grande despence en bastiments. Quelques-uns derivent ce mot de l'Hebreu bitser, qui signifie extruxit. Du Cange le derive de bastire, mot de la basse Latinité, qu'il dit signifier proprement bastias aut bastitas exstruere.

BASTIR, se dit aussi en parlant de l'ordonnance d'un bastiment. Bastir à la Grecque, à la Romaine, à la Gothique, à la moderne. bastir avec symmetrie.

On dit aussi, que Dieu a basti l'Univers de ses propres mains, pour dire, qu'il l'a creé & mis en l'estat où nous le voyons.

BASTIR, se dit aussi des petites constructions & passageres. Abraham bastit un autel à Dieu. Et figurément on dit, Bastir des autels en son coeur, pour dire, Adorer secrettement quelque Divinité.

BASTIR, signifie quelquefois, Fonder, établir. C'est Romulus qui a basti Rome. Didon a basti Carthage. St. Louïs a basti beaucoup de Monasteres. St. Bernard a basti Clervaux. le Cardinal de Richelieu a basti la Sorbone.

BASTIR, se dit figurément en choses spirituelles. Celuy qui ne fait point son salut, bastit sur l'arene, dit Jesus-Christ en St. Matthieu. cet homme se flatte de belles esperances, mais il bastit en l'air. On dit en ce sens, Vous bastissez sur un faux principe, sur un mauvais fondement. toute la Religion des Payens étoit bastie sur des fables. Jesus-Christ dit à St. Pierre, que ce seroit sur luy qu'il bastiroit son Eglise.

BASTIR, signifie aussi, Mettre en ordre, disposer, regler ; & ne se dit gueres qu'avec la negative, ou ironiquement. Tout ce livre, ce discours est mal basti, il n'y a point d'ordre. cette ville est mal bastie, tant pour ses bastiments, que pour sa police.

On dit dans ce même sens, qu'un homme est tout mal basti, lors qu'il est indisposé, qu'il est prest à tomber malade ; & aussi, qu'il est mal basti, quand il est laid, mal fait, ou mal vestu.

On dit aussi, qu'un homme s'est basti une petite fortune, une petite retraitte, un asile, lors qu'il s'est assuré quelque revenu, qu'il a acquis une maison pour se retirer. Colletet à dit agreablement :

Viens me voir en mon fauxbourg,

Où vray Patriarche,

Contre les flots de la Cour

J'ay basti mon arche.

BASTIR, se dit aussi chez les Tailleurs de l'assemblage qu'ils font des pieces d'un habit qu'ils ont taillé, quand ils joignent l'estoffe avec la doublure, en ne les cousant qu'à grands points, afin d'avoir le moyen de les essayer, & d'en reformer les malefaçons. Un Tailleur de femme n'a jamais basti d'habit qu'il n'y ait eu quelque chose à raccommoder.

On dit proverbialement, qu'un homme bastit des Chasteaux en Espagne, pour dire, qu'il emplit son esprit de chimeres, de choses qui ne sont point effectives, parce qu'en Espagne les Nobles habitent dans les villes. On dit, que les Communautez commencent par bastir la cuisine, pour dire, qu'ils se font du revenu pour subsister, avant que bastir leur Eglise. On dit, Bastir de bouë & de crachat, quand on ne bastit pas solidement & avec de bons materiaux. On dit d'un homme qui devient gras extraordinairement, & qui a un gros ventre, qu'il bastit sur le devant. On dit aussi, Qui bastit ment, par une meschante allusion, pour dire, qu'un homme qui bastit fait toûjours plus de despence qu'il ne s'étoit proposé de faire. On dit aussi, qu'une affaire, qu'un traitté est basti à chaux & à ciment, pour dire, qu'il est bien fait, qu'il doit durer, qu'il sera inébranlable.