FEUX D'ARTIFICES, ou feux de joye, sont des feux faits artistement avec de la poudre à canon, qu'on tire dans les resjoüissances publiques, ou dans les regals magnifiques. Il sont composez de fusées volantes, saucissons, petards, lances à feu, pots à feu, girandoles &c. & accompagnez pour l'ornement de plusieurs figures & Devises. On fait à la Greve un feu de joye la veille de la St. Jean : on en fait aux naissances, entrées & mariages des Rois dont les compositions se trouvent dans les pyrotecnies de Hanzelet, Vanoccio, Malthus, & sur tout de Casimir Simieirowies, Polonois, qui en a fait un excellent livre in folio. On dit aussi au figuré, qu'un homme fait des feux de joye dans son coeur, quand il se resjoüit secrettement dans son ame de quelque chose qui est arrivée.

FEU, se dit souvent en termes de Guerre. On voioit les feux de l'armée, c'est à dire, les feux qu'on allume la nuit dans un camp : les armes à feu sont celles qu'on charge de poudre, comme pistolets, mousquets, canons, grenades, bombes & carcasses. On appelle aussi les fusils, les carabines, Bastons à feu. On dit des villes prises d'assaut, qu'on y a mis tout à feu & à sang.

Le feu de la place, c'est le flanc, ou la partie de la courtine où aboutit la ligne de deffense, d'où on fait feu pour deffendre la face du bastion opposé. La meilleure façon de fortifier est celle qui donne le plus de feu. en cet assaut la courtine estoit toute en feu. il fallut soustenir, essuyer le feu de cette demi-lune. cette trenchée estoit enfilée, exposée au feu de la place. On dit d'un homme brave & intrepide, qu'il ne craint point le feu, qu'il va au feu comme à la nopce.

Le feu Gregeois, est un feu d'artifice qui brusle jusques dans la mer, & qui augmente sa violence dans l'eau. Il a un mouvement contraire à celuy du feu naturel, parce qu'il se porte en-bas à droit & à gauche, selon qu'on le jette. Il a esté appellé Gregeois, parce que les Grecs s'en sont servis les premiers vers l'an 660. comme remarque le Pere Petau, fondé sur l'autorité de Nicetas, de Zonare, de Theophanes, & de Cedrenus, & qu'il fut inventé par un Ingenieur de Heliopolis en Syrie nommé Callinicus, qui s'en servit si bien dans les batailles que les Generaux de l'armée navalle de Constantin Pogonat livrerent aux Sarazins auprés de Cizique en l'Helespont, qu'il brusla toute leur flotte, sur laquelle il y avoit 30. mille hommes : quoy que d'autres soustiennent qu'il est plus ancien, & qu'il fut inventé par Marcus Graccus. En effet il y a quelques Auteurs qui font mention que les Grecs & les Romains, s'en sont servis dans leurs guerres. Il est composé de soulfre, de naphte, de poix, de gomme, de bitume. Voyez Jules Scaliger en ses Exercitations contre Cardan. Il est inextinguible, si ce n'est avec du vinaigre meslé de sable & d'urine, ou avec des cuirs verds.

FEU, signifie quelquefois simplement, la lumiere d'une bougie, d'une chandelle, d'un flambeau. Dans les villes policées il est deffendu de marcher la nuit sans feu, sans flambeau, & sans lanterne. on demande du feu pour cacheter une lettre. Les Fermes du Roy s'adjugent au premier feu, au second feu, c'est à dire, à l'extinction de la premiere ou de la seconde bougie qu'on allume pendant les encheres. il est deffendu de pescher, de chasser au feu, c'est à dire, la nuit avec de la lumiere. Chez les Teinturiers on dit, qu'il faut passer une estoffe sur un feu, c'est à dire, la mettre une fois seulement dans un bain chaud.

FEU, en termes de Marine, signifie le fanal ou lanterne qui est sur la pouppe des vaisseaux pour servir de guide la nuit. L'Amiral porte quatre feux, fait fanal de quatre feux. le Vice-Amiral, le Contre-Amiral & le Chef d'Escadre en portent chacun trois. Les autres vaisseaux n'en portent qu'un. Le feu sert aussi de signal pour regler la route, la voilure & la manoeuvre. On les met en divers endroits & aux haubans de divers masts, suivant qu'il a esté concerté entre les Officiers. On dit des grands vaisseaux, qu'ils ne craignent que la terre & le feu. Un Corsaire qui craint la corde, s'il est pris, met le feu aux poudres, & fait sauter le vaisseau. On appelle aussi feux, ces fanaux qui sont allumez sur le haut d'une tour sur la coste, ou à l'entrée des ports & des rivieres, pour éclairer & guider pendant la nuit les vaisseaux dans leur route.

FEU, signifie quelquefois, la cheminée. Il y a tant de feux en cette maison, c'est à dire, tant de chambres à feu, à cheminées. Quelquefois il se dit du feu actuel qu'on entretient dans un atre. Il me faut 20. voyes de bois par an, car j'ay toûjours deux feux jour & nuit. Quelquefois il se dit des utenciles qui servent à attiser, detiser, entretenir & souffler le feu, comme grille, pelle, pincettes, tenailles, soufflet. Un feu garni d'argent.

FEU, se dit quelquefois aussi d'un mesnage, de toute une famille. Il y a tant de feux en cette Parroisse. le beaupere & son gendre ne font qu'un feu, c'est à dire, vivent ensemble, ne font qu'un mesnage. Ce mot vient du Latin focus.

FEU, en termes de Theologie, se dit des feux immateriels dont Dieu se sert pour punir les meschants. Les feux d'enfer & du Purgatoire sont des feux inextinguibles qui bruslent les malheureux sans les consumer. le monde doit perir par un deluge de feu. Sodome & Gomorre furent punis par le feu du ciel ; ils avoient fait des crimes qui meritoient le feu. Dieu apparut à Moïse sous la figure d'un feu ardent en un buisson. le St. Esprit descendit sur les Apostres en langues de feu. le camp des Israëlites estoit guidé par une colomne de feu. les Hebreux conservoient un feu sacré dans le temple. les Payens ont adoré le feu. les Vestales gardoient le feu sacré des Romains. les Perses ont encore des feux qui bruslent depuis plus de mille ans sur des montagnes.

FEU, se dit aussi des astres & des meteores. Les Poëtes appellent tous les astres, les feux du firmament, les feux de la nuit, des globes de feu. la lune est un des moindres feux du ciel. les feux follets, ou ardents, sont des exhalaisons qui s'enflamment. On dit, que le ciel est tout en feu, pour dire, qu'il tonne & éclaire beaucoup. On appelle sur la mer, le feu St. Elme, certains feux volants autour des masts & des manoeuvres, & de la cage, causez apparemment par quelques exhalaisons qui restent aprés une tempeste, & qui en presagent la fin. les Mariniers les appellent St. Nicolas, Sainte Claire, Sainte Helene ; les Italiens Hermo ; les Castillans San Elmo ; les Anciens Castor & Pollux. Quand il n'en paroist qu'un, on l'appelle Furolle ou Helene : ce qu'on tient de mauvais presage. Quand il en paroist deux, les Mariniers s'en resjoüissent, & les saluent avec leurs sifflets.

FEU, se dit aussi en Medecine & en Chirurgie. Le feu St. Anthoine, estoit autrefois une maladie fort dangereuse. Du feu volage, est une espece de dartre qui s'enflamme, & qui vient sur tout au visage. on oste le vin aux malades, de crainte de mettre le feu dans une playe, d'augmenter le feu de la fievre. l'arsenic met le feu dans la bouche, dans les entrailles. il y a des playes qui ne se guerissent qu'avec le feu. Le feu actuel, est un bouton de feu, un fer chaud. un feu potentiel, est celuy qui est enfermé dans les remedes caustiques, comme les cauteres, & en quelques mineraux ou plantes corrosives. On dit aussi, Donner le feu à un cheval, quand on luy applique un bouton ou un couteau de feu pour le guerir du farcin ou de quelques autres maladies.

FEU, se dit en termes de Lapidaires, de l'éclat, de la vivacité de quelque corps, de la lumiere qu'il jette ou qu'il refleschit. Un diamant fin jette bien du feu, de l'éclat. l'escarboucle est une pierre imaginaire, qu'on dit jetter assez de feu pour éclairer une chambre. des yeux vifs & brillants jettent du feu. les vers luisants, la pierre de Boulogne, le Phosphore, la nuit jettent du feu. On appelle couleur de feu un rouge vif & foncé qui a l'éclat du feu. Les couleurs de feu, orangé & nacarat sont feintes avec bourre & garence sans les mesler. De Fustel.

FEU, se dit aussi de certains poils roux qui viennent autour des yeux des petits chiens, qui les font beaucoup estimer par ceux qui en sont curieux.

FEU, se dit figurément en choses spirituelles & morales de la vivacité de l'esprit, de l'ardeur des passions. Cet Advocat a bien du feu, c'est un esprit tout de feu. ce Poëte n'a point de genie, il n'eut jamais de feu. le feu brille par tout dans ses Escrits. il a l'ame échauffée d'un beau feu, d'un noble feu.

On dit d'un homme en colere, qu'il a les yeux tout en feu, que le feu luy a monté au visage, qu'il jette feu & flammes, qu'il luy faut laisser jetter son feu. On dit aussi d'un homme amoureux, qu'il brusle d'un beau feu, qu'il nourrit un feu discret, un feu caché sous la cendre, un feu qui le devore. la bonne morale veut qu'on éteigne le feu de la concupiscence.

On dit aussi, Brusler d'un feu divin, d'un feu celeste, d'un amour divin. On dit en ce sens, qu'il faut laisser passer le feu de la jeunesse, ses emportemens. Le feu se dit aussi du courage. On a du mal à soustenir le premier feu, la premiere impetuosité des François.

FEU, se dit aussi des troubles, des seditions. Pendant les guerres des Huguenots, tout le Royaume estoit en feu, des Predicateurs seditieux mettoient le feu par tout. le Roy a esteint enfin le feu de la sedition. Quand on use en ces occasions de remedes violents, on dit qu'il y faut appliquer le fer & le feu.

On dit au lansquenet, que le premier Roy qui viendra fera feu, pour dire, qu'il fera gagner ou perdre quelque coup notable.

FEU, se dit proverbialement en ces phrases. un feu à rostir un boeuf, c'est un grand feu & fort violent. un feu de reculée. On dit aussi, Il n'est feu que de gros bois. On dit des desbauchez, qu'ils font grande chere & bon feu. On dit aussi, qu'un homme a mis le feu à la cheminée, pour dire, qu'il a mangé des viandes trop salées ou trop espicées, & qu'il s'est mis le gosier, le palais en feu. On dit aussi, C'est un feu de paille, d'une émotion qui ne dure pas long-temps, d'une entreprise qu'on n'achevera point. On dit aussi, Faire du feu violet, pour dire, Faire quelque chose avec vigueur, ou éclat à cause que le feu de bois verd qui est le plus violent, tire sur le violet. On dit encore, Le bois tortu fait le feu droit. On dit d'un homme qui s'enfuit fort viste, qu'il court comme s'il avoit le feu au cul. On dit de deux personnes ennemies qui ne se sçauroient souffrir, que c'est le feu & l'eau. On dit aussi, Dites luy cela, & vous allez chauffer au coin de son feu, pour dire, Allez luy reprocher cela en face. On dit d'une maison qu'on trouve en desordre, Il n'y a ni pot au feu, ni escuelles lavées. On dit d'un homme fort pauvre, qu'il n'a ni feu ni lieu, quand il n'a aucune retraitte, aucune demeure asseurée. On dit de celuy qui n'a point voyagé, qui n'a point veu le grand monde, qui n'a point esté à la guerre, que c'est un cagnardier qui n'a jamais bougé du coin de son feu. On dit, Faire mourir quelqu'un à petit feu, pour dire, le faire languir dans une longue attente d'une chose dont il a besoin. On dit, que le feu ne va point sans fumée, pour dire, qu'il paroist toûjours quelque signe au dehors d'une violente passion qu'on a dans l'ame, & qu'il y a toûjours quelque chose de vray de ce qu'on dit publiquement. On dit encore, Mettre les fers au feu, en parlant d'une affaire, pour dire, Commencer à la remuer, ou s'y appliquer vigoureusement. On dit aussi, que le feu est à une marchandise, pour dire, qu'il y a presse à l'acheter, qu'on y court comme au feu. On dit aussi, Mettre le feu aux estouppes, mettre le feu aux poudres, jetter de l'huile sur le feu, mettre le feu sous le ventre à quelqu'un, pour dire, l'exciter, l'encourager à faire quelque action à laquelle il estoit desja porté d'ailleurs, animer sa colere, sa passion. On dit, qu'un homme se mettroit au feu pour son amy, pour dire, qu'il est prest de le servir dans les choses les plus difficiles ; & qu'il mettroit la main au feu, son doit au feu quand il propose quelque chose dont il est tres asseuré. Ce proverbe se dit par allusion à une coustume qu'on avoit autrefois de se purger d'une accusation par l'attouchement du fer chaud. Cunegonde femme de l'Empereur Henry de Bavieres se purgea du soubçon que son mari avoit contre elle, en marchant les pieds nuds sur 12. socs de charruë ardents.