s. m. Quelques Medecins l'escrivent Tay. C'est un petit arbrisseau domestique de la hauteur des groseliers ou grenadiers & myrthes, fort estimé chez les Chinois & les Japonois. Ils l'appellent Cha ou Thcia. Il croist en la Province de Kiagnon prés la ville de Hoicheu, & auprés de Nankin. Il y en a aussi au Royaume de Siam. Le meilleur de tous est celuy du Japon. On dit qu'il en vient aussi en Tartarie. Il a la feuille petite comme celle du sumach des Corroyeurs, dont il est une espece, selon quelques uns ; mais sa fleur tire davantage sur le jaune, & ses branches sont vestuës de fleurs blanches & jaunes, pointuës & dentelées. Sa graine est noirastre, & l'arbrisseau croist en trois ans malgré les neiges & les rigueurs de l'hiver. Il a des racines fibreuses & dentelées. On fait un breuvage de sa premiere feuille qui naist au printemps, qu'on cueille feuille à feuille avec les mêmes soins qu'on fait les vendanges en Europe. On la fait chauffer & secher ; & aprés l'avoir gardée en des vaisseaux d'estain bien bouchez, si on la jette dans de l'eau bouillante, elle reprend sa premiere verdure, & donne une teinture verdastre à l'eau avec une odeur & un goust agreable. Les Chinois ne boivent que l'eau où la feuille a trempé le plus chaudement qu'ils peuvent. Les Japonois boivent l'eau & la poudre qu'ils y ont laissé infuser. On en met le poids d'un escu sur un bon verre d'eau, & on y mesle un peu de sucre pour corriger son amertume.

Elle est si differente en bonté, qu'il y en a dont la livre vaut 100. ou 150. francs ; d'autre qui ne vaut que deux escus. Il y en a même à sept deniers. Les Hollandois la viendent en France 30. livres, & elle ne leur couste que 10. s. Sa bonne marque est d'être verte, amere & seche, ensorte qu'elle se brise avec les doigts.

Elle guerit la goutte & la gravelle, & on croit qu'elle est la cause de ce qu'on n'entend point parler de ces maux à la Chine & dans l'Inde, & de ce que les peuples parviennent à une extreme vieillesse. Elle guerit les indigestions de l'estomac. Elle desennyvre, & donne de nouvelles forces pour boire, & dissiper les vapeurs qui causent le sommeil. Elle fortifie la raison que le vin affoiblit, & guerit soudain la migraine & les douleurs de ventre. Mais Simon Paul Medecin du Roy de Dannemarc, qui a fait un Traitté exprés de cette plante, dit que ces vertus qu'on luy attribuë n'ont point de lieu pour ceux qui habitent en Europe ; & que ceux qui ont passé 40. ans n'en doivent pas user, parce qu'elle avance leur mort, étant trop dessiccative. Il pretend que le thé n'a pas plus de vertu que la betoine, & que ce n'est qu'une espece de myrthe qu'on trouve en Europe, aussi-bien qu'aux Indes ; qu'on l'appelle Chamaeleagnus ou Piment Royal, dont la description, les experiences & les analyses qu'il en a faites sont tout à fait semblables.

Les Chinois en prennent en toutes rencontres, & sur tout à disner. Ils en offrent aux amis qu'ils veulent regaler. Les plus moderez en prennent trois fois par jour ; les autres dix fois, & à toute heure. Les personnes de la plus grande qualité font gloire de le preparer eux-mêmes dans leurs appartements les plus magnifiques, & ont plusieurs vaisseaux de prix pour cet effet.

Ceux qui en ont escrit sont le Pere Maffée, Louïs Almeyda, Matthieu Riccius, Aloysius Frois, Jacob Bontius, Jean Linscot, le Pere Alexandre de Rhodes dans leurs Voyages, & les Auteurs du Voyage de l'Ambassade de la Chine, & de celuy de Mr. l'Evêque de Berite, & Nicolas Tulpius Medecin d'Amsterdam. Pierre Petit a fait un beau Poëme Latin sur le thé. Nicolas Pechlin a fait un Traitté du thé, où il refute l'opinion de Poli, qui croit que c'est un myrthe ; & de Bauhinus, qui dit que c'est du fenouil. Il en fait une autre description, & dit que les fleurs de cet arbrisseau sont blanches, & fort semblables aux roses sauvages, à l'odeur prés ; que sa tige & ses branches depuis la teste jusqu'au sommet sont couvertes d'une infinité de fleurs, & de petites feuilles pointuës & dentelées, qui ont cinq degrez differents de grandeur, qui s'appetissent à mesure qu'elles s'éloignent de la terre. Les plus grandes ne valent que 5. s. la livre, les secondes 50. s. les troisiémes 100. s. les quatriémes 15. liv. & les plus petites quelquefois jusqu'à 150. liv. Mr. Du Four a fait nouvellement un Traitté du thé, du caffé & du chocolate. Les Hollandois donnent aux Chinois une livre de sauge pour deux livres de thé. A Londres il y a bien trois mille lieux publics où on va boire du thé.